Renforcer le rôle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), contrôler la sous-traitance dans le secteur, envisager d'autres modes de stockage des déchets, mettre plus de gendarmes dans les centrales ou encore publier un programme prévisionnel des réacteurs à démanteler... Les députés se sont attaqués à de nombreux sujets, parfois techniques.
La commission avait été lancée début février pour faire le point sur les enjeux de sûreté (éviter les accidents) et de sécurité (contre les actes de malveillance) dans un pays qui compte de 19 installations nucléaires, et l'usine de retraitement de La Hague.
Présidée par Paul Christophe (UDI-Agir) et ayant pour rapporteur Barbara Pompili (LREM), ancienne secrétaire d'Etat à la biodiversité, elle avait enchaîné les auditions et les visites de sites pendant cinq mois, jusqu'au Japon.
Ces travaux font suite à la catastrophe de Fukushima mais aussi à plusieurs intrusions sur des sites d'EDF de militants Greenpeace pour dénoncer le "risque nucléaire". Encore mardi, un drone de l'organisation a survolé une centrale proche de Lyon.
"La commission d'enquête n'est pas tombée dans le piège d'un débat pour ou contre le nucléaire", assure Paul Christophe dans son avant-propos au rapport publié jeudi. Les préconisations "ont le mérite de lancer un certain nombre de réflexions qui ne manqueront pas d'alimenter les travaux de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)", souligne-t-il.
La France, qui veut réduire sa dépendance à l'atome, est en effet en pleine élaboration de sa feuille de route énergétique au travers des PPE pour les années 2019-2023 et 2024-2028.
Et la question du nucléaire - et des fermetures de réacteurs - est dans aucun doute la plus épineuse du débat. Seule la fermeture de la centrale de Fessenheim a été pour l'instant décidée.
Secret-défense
Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot avait promis vendredi un "échéancier" précis d'ici à la fin de l'année sur la fermeture de réacteurs nucléaires afin "qu'on sache quels réacteurs et le nombre de réacteurs" qui seront concernés.
Les députés recommandent pour leur part "la connaissance même approximative d'un échéancier de démantèlement", dont le coût et le financement restent problématiques. "On peut imaginer que la première échéance pourrait concerner les réacteurs du Bugey, mis en service en 1979", avancent-ils.
Ils soulignent aussi que "la prolongation de l'exploitation du parc actuel n'est pas certaine, malgré la volonté affichée d'EDF" de prolonger la vie de ses réacteurs au-delà de 40 ans.
Autre question épineuse abordée: le projet "Cigéo" d'enfouissement en profondeur des déchets nucléaires à Bure (Meuse), dont le rapport souligne les "vulnérabilités certaines". Les députés préconisent ainsi d'explorer une alternative: l'entreposage de longue durée en "subsurface", c'est-à-dire à faible profondeur.
Le rapport se penche aussi sur la question de la sous-traitance, devenue monnaie courante dans l'industrie nucléaire. Il recommande de "favoriser la réintégration des compétences au sein des entreprises exploitantes afin de contenir le niveau de sous-traitance et de ce fait de mieux maîtriser la conduite des sites".
Enfin les députés préconisent la création d'une Délégation parlementaire au nucléaire civil dont les membres pourraient avoir accès aux informations classifiées nécessaires, à l'image de ce qui se fait déjà dans le domaine du renseignement.
Les membres de la commission d'enquête se plaignent d'ailleurs de s'être heurtés au secret défense invoqués par les pouvoirs publics comme par EDF, notamment sur la question de la résistance à une attaque des piscines où sont entreposés les combustibles irradiés.
Signe de tensions au sein de cette commission pluripartisane, la publication du rapport a été votée par 15 voix pour, six contre et deux abstentions. L'examen du rapport fin juin a aussi été marqué par quelques controverses.
"Ce rapport souffre d'un péché originel dans sa construction. Il comporte un postulat de départ selon lequel les opposants au nucléaire, les antinucléaires, ont raison", a ainsi jugé le député (LR) Julien Aubert.
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