"Je ne m'engage pas en politique. Je le fais pour défendre l'Etat de droit et marquer la limite entre la Constitution et la violation de la Constitution" a dit Mme Gersdorf aux sympathisants rassemblés devant le siège de la Cour suprême. "J'espère que l'ordre légal sera rétabli en Pologne."
Sans faire référence explicitement la situation à la Cour suprême, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a affirmé mercredi matin à Strasbourg, devant le Parlement européen, que son pays avait "le droit" de "construire son système judiciaire selon ses propres traditions".
"L'unité dans la diversité, cette devise de notre UE, ce n'est pas un slogan vide", a déclaré M. Morawiecki devant les eurodéputés réunis en session plénière.
A Varsovie, Mme Gersdorf a été applaudie par les manifestants - entre trois et quatre mille personnes selon les journalistes de l'AFP-.
Ils ont scandé "Constitution", "Tribunaux libres", "Nous sommes avec vous" et "Inamovibles", en signe de soutien à Mme Gersdorf et aux autres 26 juges de la Cour censés quitter la vie active en raison de l'abaissement de l'âge de la retraite de 70 à 65 ans, inscrit dans la réforme menée par les conservateurs du parti majoritaire Droit et Justice (PiS).
"Je suis là pour défendre la Constitution, l'indépendance de la justice et la démocratie. Comme tous les soirs, toute la semaine", a dit à l'AFP une Varsovienne de 57 ans, Agnieszka Makowiecka.
Une Cour, deux présidents
La situation de la Cour suprême est confuse: Le chef de l'Etat Andrzej Duda a signifié mardi après-midi à Mme Gersdorf que pour lui elle était déjà à la retraite, ayant atteint l'âge de 65 ans et qu'il avait confié son intérim à un autre juge de la Cour, Jozef Iwulski.
Mais Mme Gersdorf a annoncé qu'elle désignait le même juge comme son remplaçant "pendant son absence", réaffirmant ainsi son intention de garder ses fonctions.
Le quotidien indépendant Dziennik Gazeta Prawna a commenté ces développement en titrant mercredi sur "Une Cour suprême avec deux présidents". Le journal proche de l'opposition Gazeta Wyborcza a choisi de dénoncer "Un viol de la Cour suprême".
Le conflit entre la majorité des juges de la Cour suprême et le pouvoir politique s'inscrit dans un différend plus vaste opposant Varsovie à la Commission européenne à propos de réformes judiciaires lancées au nom d'une plus grande efficacité de la justice.
Ces réformes sont perçues par leurs adversaires comme allant à l'encontre du principe de séparation des pouvoirs, au profit du pouvoir politique.
Egalement critique à leur égard, la Commission européenne a lancé lundi une procédure d'infraction d'urgence contre Varsovie. Celle-ci pourrait aboutir, après plusieurs étapes, à la saisie de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et à des sanctions financières.
A Varsovie, des personnalités de l'opposition, telle la présidente du parti libéral Nowoczesna Katarzyna Lubnauer, la présidente centriste (maire) de Varsovie Hanna Gronkiewicz-Waltz ou l'ancien ministre de la Justice Borys Budka ont participé à la manifestation mercredi matin.
Mardi soir déjà, entre quatre et cinq mille manifestants, selon les estimations des journalistes de l'AFP, se sont rassemblés devant le siège de la Cour suprême pour témoigner de leur soutien à sa présidente.
Venue les remercier, Mme Gersdorf a été applaudie lorsqu'elle a réaffirmé qu'elle resterait à son poste "jusqu'en 2020", conformément à son mandat de six ans inscrit dans la constitution.
Pour le politologue Ireneusz Krzeminski, "on peut imaginer une sorte d'entente entre le juge Iwulski et la présidente Gersdorf, qui permettra à cette dernière de rester en poste jusqu'à ce qu'on voie un nouveau développement de la situation et un signal de Luxembourg", siège de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui pourrait être saisie par la Commission européenne.
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