La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a vanté "un texte équilibré", "efficace et à la hauteur des enjeux", "précieux pour mieux protéger notre démocratie", jugeant les "débats parfois vifs mais indispensables" et regrettant "les attaques de l'extrême droite contre la presse, contre les juges, contre l'école".
Ces deux propositions de loi - ordinaire, et organique pour la présidentielle - visent à permettre à un candidat ou parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de "fausses informations" durant les trois mois précédant un scrutin national.
Elles imposent aux plateformes numériques (Facebook, Twitter, etc) des obligations de transparence lorsqu'elles diffusent des contenus contre rémunération.
La première a été adoptée par 52 voix contre 22, la seconde par 54 contre 21, soutenues par LREM et une majorité des MoDem, malgré des réserves sur ce "premier pas".
Toujours "hostiles", droite et gauche ont regretté un texte, au mieux "inapplicable" et "inefficace" vu la rapidité de propagation sur les réseaux sociaux par des sites souvent basés "à l'étranger", au pire "dangereux pour la liberté d'opinion".
Le RN a fustigé "une sorte de totalitarisme glamour" des "censeurs de l'information", Nicolas Dupont-Aignan une initiative du "roi de la fausse information élu président de la République".
Un risque de censure du Conseil constitutionnel a été évoqué.
Moteurs des textes, annoncés par Emmanuel Macron début janvier, "les tentatives de déstabilisation, notamment de l'extérieur" par "la diffusion virale de fausses informations", selon la rapporteure LREM Naïma Moutchou. Jean-Luc Mélenchon (LFI) a fustigé "une loi de circonstance faite pour interdire Russia Today et Sputnik", chaînes russes accusées de relayer l'ingérence du Kremlin dans les présidentielles américaine et française.
Coeur de la polémique: la volonté de définir une "fausse information". Début juin, la rapporteure avait fait voter tardivement une nouvelle formulation: "Toute allégation ou imputation d'un fait, inexacte ou trompeuse, constitue une fausse information".
"Droit de censure"
Mardi, les députés ont, par amendement gouvernemental, stipulé que la procédure en référé concerne les diffusions d'une fausse information de "manière délibérée", pas seulement "de mauvaise foi". Droite et gauche ont ironisé sur plusieurs "tergiversations".
L'objectif est de faire cesser "un trouble objectif" en période électorale, a plaidé la ministre, martelant qu'"on ne vise en aucun cas les auteurs de fausses nouvelles, mais leur diffusion" par les plateformes.
Avant des mesures "proportionnées et nécessaires", comme le blocage du site, le juge des référés devra apprécier, sous 48 heures, si ces fausses informations sont diffusées "de manière artificielle ou automatisée" et "massive".
Des syndicats de journalistes et des médias ont dénoncé le risque de légitimer une fausse information si le juge n'a pas les éléments pour l'interdire.
Les plateformes devront notamment indiquer la somme versée, instaurer un système permettant aux utilisateurs de signaler de fausses informations, être plus transparentes sur leur algorithme, sous l'oeil du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Celles qui dépassent un certain volume de connexions par jour devront avoir un représentant légal en France, stipule un amendement LREM voté mardi soir. Un autre amendement LREM, soutenu par le gouvernement, entend obliger les opérateurs de plateformes à rendre publics leurs algorithmes.
Le CSA pourra aussi empêcher, suspendre ou interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés "par un État étranger ou sous l'influence de cet État", et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, "dont le fonctionnement régulier de ses institutions".
"Laisser au CSA les clefs de la censure est extrêmement dangereux", a notamment objecté Emmanuelle Ménard, apparentée au FN. Eric Coquerel (LFI) a critiqué "un droit de censure géopolitique", Elsa Faucillon (PCF) jugeant que "les relations internationales ne peuvent passer" par ce véhicule.
Le renforcement de l'éducation aux médias, soutenu même par PS et LFI, a déclenché des échanges vifs, notamment entre Marine Le Pen et la majorité, et entre la présidente du RN et celui de LFI.
Dans une série d'amendements, rejetés, les Insoumis ont défendu un "conseil national de la déontologie journalistique". Sans "opposition de principe", Mme Nyssen s'est dite "pas favorable à une instance créée unilatéralement par la loi" et a insisté sur "une large consultation" à venir.
Soutenus par RN et Nicolas Dupont-Aignan, ils ont aussi échoué à inscrire la neutralité du net.
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