Face à la pression de l'aile la plus à droite de sa coalition gouvernementale qui menaçait de claquer la porte, la chancelière allemande a de facto accepté lundi soir de clore définitivement sa politique migratoire généreuse de 2015-2016, lorsque son pays avait accueilli 1,2 million de demandeurs d'asile.
Le compromis trouvé après des semaines de conflit avec son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer prévoit au bout du compte de renvoyer les demandeurs d'asile déjà enregistrés ailleurs dans l'UE vers le pays d'entrée, ou à défaut de les refouler vers l'Autriche voisine, dans le cadre d'un accord bilatéral.
Mais l'Autriche, gouvernée par une coalition réunissant l'extrême droite et les conservateurs, a lancé une mise en garde à Berlin.
Le pays "n'est certainement pas prêt à conclure des accords à son détriment", a dit mardi son chancelier Sebastian Kurz.
Vienne a aussi menacé de "prendre des mesures pour protéger ses frontières" méridionales avec l'Italie et la Slovénie en réaction au mesures allemandes. Et le ministre de l'Intérieur, Herbert Kickl, a mis implicitement en cause Angela Merkel: "l'Autriche ne peut pas encore davantage porter le poids de l'héritage d'une culture de l'accueil qui a échoué et qui est liée à certains noms en Europe".
"Effet domino"
L'accord conclu lundi soir à l'arraché en Allemagne entre le parti de centre-droit (CDU) de Mme Merkel et le parti bavarois très conservateur CSU prévoit de placer les migrants arrivant en Allemagne, mais déjà enregistrés dans un autre pays de l'UE, dans des "centres de transit" à la frontière avec l'Autriche. Cela concerne en moyenne un quart du nombre total de demandeurs d'asile.
Pour tenter d'arrondir les angles avec Vienne, le ministre de l'Intérieur allemand, Horst Seehofer, à l'origine de la fronde contre Mme Merkel, va rendre visite jeudi à M. Kurz.
Car l'Italie, principal pays d'arrivée des migrants vers l'Europe et qui se plaint du manque de solidarité européenne, serait la première concernée si l'Allemagne et l'Autriche se mettaient à refouler les migrants. Et ce alors que le dernier sommet des dirigeants de l'UE sur les migrants à Bruxelles avait promis davantage de soutien à Rome et promu les solutions européennes.
"Camps d'internements"
Le chef de la diplomatie italienne Enzo Moavero Milanesi a critiqué les menaces autrichiennes de contrôles renforcés à la frontière avec l'Italie. Il a exhorté mardi à Riga à ne pas prendre des mesures pouvant "conduire à une situation de fermeture" entre pays européens.
Et son collègue de l'Intérieur Matteao Salvini a prévenu que son pays ne resterait pas les bras croisés. "Si l'Autriche veut faire des contrôles, elle en a tout le droit. Nous ferons la même chose", a-t-il prévenu.
Le chef du gouvernement tchèque Andrej Babis, très critique de la politique d'ouverture de l'Allemagne aux migrants dans le passé, s'est félicité de la fermeté nouvelle affichée par Angela Merkel.
Les migrants "qui débarquent en Italie ou en Grèce n'ont pas le droit de choisir de vivre en Allemagne. Espérons que l'Italie et la Grèce le comprendront et fermeront leurs frontières", a-t-il dit sur Twitter.
Chahutée sur le plan européen, en Allemagne la chancelière n'est pas encore sortie d'affaire pour sa crise gouvernementale.
Si elle est parvenue à calmer son ministre de l'intérieur, elle doit à présent convaincre son autre partenaire gouvernemental, cette fois de centre-gauche, d'avaliser l'accord. Si le parti social-démocrate (SPD) refuse le compromis la crise gouvernementale repartira.
Les trois partenaires -- CDU d'Angela Merkel, CSU de M. Seehofer et SPD -- se sont retrouvés mardi à Berlin pour discuter du plan.
Le SPD est réservé et critique notamment l'appellation des "centres de transit", concept qu'il avait rejeté en 2015 au plus fort de la vague migratoire. "Nous ne voulons pas de familles de migrants derrière des clôtures surveillées", a twitté l'un de ses dirigeants, Ralf Stegner.
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