Au centre du bras de fer: le refoulement aux frontières de tout migrant enregistré au préalable par un autre pays de l'UE voulu à tout prix par le ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer, patron parti bavarois très conservateur CSU.
Cette mesure est rejetée par la chancelière qui craint un effet domino en Europe et la fin de la libre-circulation. Lui menace de passer outre ce veto au risque de faire imploser le fragile gouvernement réunissant, outre sa propre formation, le parti de centre-droit CDU de Mme Merkel, et les sociaux-démocrates, et ce à peine quatre mois après sa formation dans la douleur.
L'Allemagne attendait l'épilogue dimanche soir. Mais finalement, après une dizaine d'heures de réunion de la CSU, et après avoir mis sa démission sur la table, M. Seehofer a suspendu sa décision pour engager un dernier round de négociations avec Angela Merkel.
Ces pourparlers à Berlin entre pontes des deux partis conservateurs ont débuté peu avant 16H00 GMT avec près d'une heure de retard.
"Chancelière grâce à moi"
Signe de l'ambiance délétère qui règne alors que la crise entre dans sa quatrième semaine, M. Seehofer a traité la chancelière par le mépris dans un entretien au journal Süddeutsche Zeitung diffusé juste avant le début des tractations.
"Je ne vais pas me laisser limoger par une chancelière qui n'est chancelière que grâce à moi", a-t-il dit, en référence au poids des siens dans la coalition, avant de prévenir qu'il n'était pas du genre à "plier" dans les négociations.
Un compromis s'annonce d'autant plus difficile à trouver qu'il faudra arracher le soutien du parti social-démocrate qui fera barrage à tout accord jugé trop restrictif du droit d'asile. Une réunion des trois formations de la majorité est prévue à 22H00 (20H GMT) lundi.
Mme Merkel a de son côté promis aux députés conservateurs "tous les efforts" pour trouver une solution. Pourtant ces derniers jours elle n'a donné aucun signe de vouloir infléchir sa position.
La chancelière considère avoir répondu aux attentes de son ministre, d'abord en durcissant depuis deux ans sa ligne migratoire, et ensuite en négociant au dernier sommet européen des mesures "plus qu'équivalentes", selon elle, à celles voulues par M. Seehofer.
En attendant, le gouvernement péniblement mis en place après des mois de tractations, est en sursis. Tout comme l'alliance CDU-CSU formée en 1949.
La dirigeante sociale-démocrate Andrea Nahles a accusé le camp conservateur "d'irresponsabilité" et la CSU en particulier de "délire d'égo".
Tous les sondages semblent montrer que les Allemands n'approuvent pas la voie conflictuelle choisie par le ministre de l'Intérieur même s'ils sont d'accord avec son idée d'un durcissement de la politique d'asile. Mme Merkel reste aussi plus populaire que lui.
Selon une enquête de l'institut Frosa, 67% des personnes interrogées jugent "irresponsable" la manière de faire du Bavarois. Autre échec, les intentions de vote pour la CSU en vue d'élections régionales à l'automne continuent de baisser au profit de l'extrême droite.
Eviter l'escalade
Dès lors, même des barons bavarois semblent vouloir éviter l'escalade. "Personne ne veut remettre en question le gouvernement", a assuré le chef de l'exécutif de Bavière, Markus Söder avant de glisser que "franchement, il nous a bien surpris le Horst" avec sa menace de démission.
Si l'intéressé se montre aussi intransigeant c'est aussi que son conflit avec Mme Merkel est quasi-permanent depuis la décision de la chancelière en 2015 d'ouvrir l'Allemagne à des centaines de milliers de candidats à l'asile.
Il n'a cessé de dénoncer ce choix et son offensive vise directement la chancelière, perçue, du fait de son centrisme et de l'essor de l'extrême droite, comme un obstacle par les conservateurs les plus durs.
Quelle que soit l'issue du conflit, Angela Merkel en ressortira au moins affaiblie. Au pire, elle pourrait se retrouver contrainte au départ, moins d'un an après sa victoire étriquée aux législatives.
Après presque 13 années au pouvoir, elle se retrouve ouvertement contestée dans son gouvernement et sa famille politique, combattue en Europe, notamment par ses voisins de l'Est et l'Autriche, et enfin en conflit avec le président américain Donald Trump sur une multitude de sujets.
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