Elle est restée dans son écrin historique de pierre meulière, mais à l'intérieur, presque tout a changé: tous les lieux de détention ont été rénovés ou reconstruits, des salles de sport creusées, des promenades ouvertes.
"C'est un énorme chantier", sourit la nouvelle directrice, Christelle Rotach, qui vient de vivre la rénovation des Baumettes à Marseille et a pris possession de la Santé il y a une semaine.
Son bureau donne sur la cour d'honneur où furent guillotinés en novembre 1972 Claude Buffet et Roger Bontems, les derniers exécutés de la Santé. La pierre est nettoyée, la monumentale porte a été refaite, mais la cour n'a pas changé.
"Il fallait rénover, adapter la prison aux normes modernes de détention, mais le bâtiment d'origine a été respecté, dans ses proportions et dans sa philosophie", a expliqué la directrice, lors d'une visite pour la presse.
Inaugurée en 1867, la maison d'arrêt, qui vit passer le capitaine Alfred Dreyfus, le terroriste Carlos ou le mercenaire Bob Denard, n'avait jamais été rénovée en profondeur.
Une emprise au sol de 2,8 hectares au cœur de Paris, dans le XIVe arrondissement: une prison à taille humaine, selon nombre de détenus, dont les longues coursives superposées autour d'un puits central ont été immortalisées au cinéma.
Mais les dernières années, les vieux murs suintant et la surpopulation en avaient fait le symbole du délabrement des prisons françaises.
Le truand Jacques Mesrine s'en était évadé en 1978. En 2000, c'est le médecin-chef de la maison d'arrêt, Véronique Vasseur, qui racontait dans un livre choc "la vermine qui court dans les matelas".
En 2009, un rapport accablant du contrôleur des prisons scelle son sort: la Santé sera réhabilitée.
Priorité aux Parisiens
L'urgence conduit le gouvernement à opter pour un partenariat public-privé attribué à GTM Bâtiment, GEPSA et Barclays Alma Mater General Partners Ltd, d'un coût total de 210 millions d'euros pour trois ans de construction et 25 ans d'exploitation.
Les architectes de l'agence Pierre Vurpa et AIA choisissent de renforcer l'organisation du lieu autour d'un axe central, "épine dorsale d'est en ouest qui irrigue toutes les entités".
Le Quartier Bas, organisé de façon panoptique (avec une tour centrale d'où le gardien peut observer toutes les directions sans être vu) est réhabilité, tandis que le Quartier Haut est totalement reconstruit.
L'horizon et la lumière sont entrés dans la prison, pour briser le "désespoir" qui y étreint les détenus, de Guillaume Apollinaire à l'ex-trader Jérôme Kerviel. Le poète, brièvement incarcéré en 1911, ne voyait "rien qu'un ciel hostile" de sa cellule aux "murs nus".
Depuis, des verrières ont été percées au dessus des coursives, et dans chaque cellule, les fenêtres, très hautes, ont été descendues à hauteur d'homme.
"On a pris trois cellules pour en faire deux", explique Christelle Rotach, passant de 6 à 9 m2, avec sanitaires et douches, plaque électrique et frigo.
"Nous avons une capacité de 839 places, dont une centaine en quartier de semi-liberté - le seul quartier qui n'a pas fermé pendant les travaux -, dit-elle, précisant qu'une vingtaine de cellules ont été prévues avec des lits doubles, tenant compte de "la réalité" des besoins en Ile-de-France où les taux d'occupation en maison d'arrêt atteignent parfois les 200%.
La réouverture de la Santé va permettre de désengorger les établissements franciliens de Fresnes - qui fera l'objet du prochain grand chantier de rénovation - Villepinte et Nanterre. Le critère sera celui du domicile: les prévenus parisiens seront en priorité incarcérés à la Santé.
Et les VIP? Le quartier des "particuliers", destiné aux personnes les plus vulnérables, restera. Tout comme la Santé prendra sa part dans l'accueil des détenus radicalisés, sous le regard de 330 surveillants.
"C'est un changement complet", résume Ange, surveillant chef qui termine sa carrière à la Santé, où il avait débuté il y a 34 ans. "J'aurais rêvé d'avoir ces conditions de travail à l'époque. Terminer ici, c'est le Graal."
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