Les Irakiens, habitués à l'horreur depuis des années, pensaient qu'après l'annonce en décembre par M. Abadi de la victoire sur l'EI, l'organisation extrémiste allait cesser de nuire mais son nouveau chantage les a replongés dans les cauchemars du passé.
M. Abadi a essuyé des critiques sur les réseaux sociaux et vendredi de la part de la plus haute autorité religieuse chiite, l'ayatollah Ali Sistani, qui a reproché sans le nommer au gouvernement de n'avoir "pas pris en considération les appels des familles afin d'agir rapidement pour les sauver".
Pour faire taire ces reproches, le chef du gouvernement a ordonné jeudi l'exécution "immédiate" des centaines de jihadistes condamnés à mort, dont des femmes et des étrangers. Quelques heures plus tard, 13 condamnés à mort ont été exécutés, a annoncé le ministre de la Justice, Haider al-Zamili. "Il s'agit du second groupe de condamnés à la peine capitale exécutés en 2018", indique son ministère.
Ils "avaient été condamnés conformément à la loi antiterroriste. Ils avaient participé à des opérations armées avec des groupes terroristes, à des rapts, à des attentats à la bombe et au meurtre de civils", a-t-il précisé.
Ces exécutions ont eu lieu par pendaison à la prison de Nassiriya (sud), surnommée "al-Hout" (la baleine) car quand on y rentre, on ne sort que mort, expliquent ironiquement les condamnés. Sur une photo publiée par le ministère de la Justice, des hommes apparaissent assis au sol avant l'exécution, les yeux bandés et les mains menottées.
Vendredi, le ministère de la Justice a annoncé dans un communiqué que 64 personnes supplémentaires pouvaient être exécutées après avoir vu leur appel rejeté et leur condamnation à mort ratifiée par la présidence.
Confusion
Ces exécutions interviennent deux jours après la découverte des corps de huit Irakiens enlevés par l'EI, qui avait diffusé une vidéo d'hommes au visage tuméfié en annonçant leur mort prochaine si des femmes jihadistes n'étaient pas libérées par Bagdad.
Dans la nuit de lundi à mardi, les familles des six personnes apparues sur la vidéo - des civils travaillant au département logistique des unités paramilitaires du Hachd al-Chaabi - avaient été informées que les forces armées les avaient libérées. Des scènes de liesse avaient eu lieu dans la ville sainte chiite de Kerbala, d'où ils étaient originaires, jusqu'à ce qu'ils apprennent qu'ils n'étaient en fait pas libres.
Devant cette confusion, M. Abadi, désireux d'être reconduit dans son poste de Premier ministre après les élections du 12 mai, a adopté jeudi un ton très ferme. "Nous tuerons ou arrêterons ceux qui ont commis ces crimes, de la même manière dont nous avons promis de libérer le pays", a-t-il promis.
Plus de 300 personnes, dont une centaine d'étrangères, ont été condamnées à mort en Irak, et autant d'autres à la prison à perpétuité, pour appartenance à l'EI, selon une source judiciaire. La plupart des condamnées sont Turques ou originaires des anciennes républiques de l'Union soviétique.
"Améliorer l'effort militaire"
L'ayatollah Ali Sistani, qui avait appelé avec succès en 2014 à la mobilisation populaire pour barrer la route à l'EI, a reproché au gouvernement de s'intéresser davantage aux considérations politiciennes qu'au combat contre les extrémistes.
"Nous avons averti que la bataille avec Daech (acronyme arabe de l'EI) n'était pas terminée, même si l'organisation a été cassée", a déclaré Abdel Mahdi Karbalaï, considéré comme le porte-parole de l'ayatollah Sistani.
"Il est erroné de se préoccuper des élections et des alliances, et d'ignorer la nécessité d'éliminer les terroristes et d'assurer la protection et la sécurité. Il faut améliorer le renseignement et l'effort militaire", a-t-il dit lors de son prêche de vendredi à Kerbala.
L'Irak est régulièrement critiqué par des organisations des droits de l'Homme qui dénoncent les nombreuses condamnations à mort prononcées quasi quotidiennement par des tribunaux antiterroristes.
"Les récents meurtres de l'EI sont abominables mais répondre comme le fait l'Irak par l'exécution d'un lot de détenus sent la vengeance plutôt que la justice", estime vendredi Human Rights Watch dans un communiqué.
En 2017, au moins 111 personnes ont été pendues. Plus tôt en 2018, l'Irak avait exécuté 13 personnes, dont 11 condamnées pour "terrorisme".
Environ 20.000 personnes ont été arrêtées au cours de la contre-offensive lancée par les troupes irakiennes pour repousser les jihadistes.
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