"On attendait ça depuis sept ans", a souligné Edmond-Claude Fréty, avocat des parties civiles.
Mgr André Fort, évêque d'Orléans de 2002 à 2010, avait été mis en examen en juin 2017 pour ne pas avoir dénoncé des actes pédophiles de l'abbé Pierre de Castelet, mis en examen en 2012.
Il a été renvoyé devant un tribunal correctionnel pour les mêmes chefs, tandis que l'ancien prêtre Pierre de Castelet sera lui jugé pour agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité, a indiqué le parquet d'Orléans, confirmant une information de Mediapart.
Olivier Savignac, une des victimes présumées, avait été le premier à dénoncer les faits en 2008 dans un courrier à l'évêché. Il y faisait état d'attouchements qu'il dit avoir subis en 1993 lors d'un camp dans le sud-ouest de la France du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) où officiait l'abbé de Castelet en tant qu'aumônier.
Sans réponse de l'évêché, il avait ensuite rencontré Mgr Fort en 2010 en lui précisant qu'une dizaine de jeunes avaient pu être victimes de l'aumônier.
"Il m'a promis de prendre des mesures, mais un an après l'abbé était toujours là. Je me suis même aperçu qu'il donnait des conférences sur la pédophilie dans l'Église", avait déclaré Olivier Savignac au micro de France Bleu Orléans.
Il avait saisi à nouveau l'évêché, où Mgr Jacques Blaquart avait pris la succession de Mgr Fort, parti à la retraite. Le nouvel évêque avait aussitôt saisi le parquet et une instruction avait été ouverte.
"Culture du silence"
"A l'époque, Mgr Fort était en partance d'Orléans. Il était malade et sa démission avait été acceptée", a justifié jeudi Benoit de Gaullier, avocat de M. Fort.
"Il n'avait pas conscience qu'il avait l'obligation impérative de dénoncer les choses dès lors qu'il n'a pas perçu la volonté de la victime qu'il le fasse", a poursuivi l'avocat.
Un argument rejeté vigoureusement par Me Fréty, selon lequel "la loi est très claire": "Il y a une obligation légale de dénoncer aux autorités les faits dont un mineur de quinze ans est victime".
L'avocat a mis en cause une "culture du silence qui est entretenue et qui heureusement, un jour, se fissure". Selon lui, l'enquête aurait mis en évidence une dizaine de victimes ayant fait l'objet d'une fausse visite médicale par le père de Castelet, qui se faisait passer pour infirmier ou médecin.
Trois victimes présumées se sont portées civiles.
D'après Mgr Blaquart, ses prédécesseurs avaient eu connaissance de ces agissements et avaient pris "des mesures conservatoires" contre le prêtre, aujourd'hui âgé de 67 ans, pour éviter qu'il soit seul en contact avec des jeunes". Mais "ils n'avaient pas porté plainte", avait-il regretté.
Mgr Blaquart, a été le premier évêque en France à mettre en place dans son diocèse une cellule d'écoute pour les victimes de prêtres pédophiles.
"Tous les évêques successifs se sont refilé le bébé", a critiqué Me Fréty, soulignant que les prédécesseurs de Mgr Fort n'ont pas pu être poursuivis en raison de la prescription.
Le seul précédent en France de renvoi en correctionnelle d'un évêque pour non dénonciation d'actes pédophiles a été Mgr Pierre Pican, évêque émérite de Bayeux, condamné en 2001 à trois mois d'emprisonnement avec sursis.
Cette affaire avait conduit la Conférence des évêques de France à engager un chantier de lutte contre les abus sexuels dans l'Église, relancé en 2016 après de nouvelles accusations, notamment dans le diocèse de Lyon gouverné par le cardinal Philippe Barbarin.
"La Conférence des évêques de France (CEF) ne commente pas cette décision et redit sa confiance en la justice", a indiqué jeudi la CEF dans un court message adressé à l'AFP.
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