Le nombre de "non-admissions" s'est élevé l'an dernier à 85.408, soit 34% de plus qu'en 2016 (63.845 refus d'entrée), assure l'association sur la base de chiffres de la police aux frontières. En 2015, année du rétablissement des contrôles aux frontières, 15.849 non-admissions avaient été prononcées.
L'essentiel de ces décisions concerne la frontière franco-italienne, avec 44.433 non-admissions l'an dernier dans les Alpes maritimes (+42% en un an) où les migrants tentent de gagner la France en passant par Vintimille. Dans les Hautes-Alpes, qui ont vu une route se développer via Briançon, les non-admissions ont bondi de 700% à 1.899 au total l'an dernier.
Un phénomène comparable est perceptible à la frontière franco-espagnole: dans les Pyrénées orientales, les refus sont passés de 26 en 2015 à 4.411 l'an dernier.
La France a officiellement réintroduit les contrôles aux frontières intérieures après les attentats jihadistes du 13 novembre 2015 (130 morts), et les a depuis reconduits par période de six mois, rappelle la Cimade dans ce rapport publié mercredi et intitulé "Dedans, dehors: une Europe qui s'enferme".
Mais pour la Cimade il y a là un "détournement de la lutte antiterroriste". En effet l'investissement est "extrêmement différencié" sur le terrain avec un "effort particulier" aux frontières avec l'Espagne et l'Italie, tandis que certains points très fréquentés à la frontière franco-allemande "ne sont pas contrôlés".
Au total "le rétablissement des contrôles aux frontières a principalement permis une augmentation de pratiques existantes liées aux contrôles migratoires bien plus que l'identification ou l'interdiction d'entrée de personnes suspectées de terrorisme", ajoute l'association.
"Forteresse assiégée"
Ces contrôles aux frontières "sont accompagnés de moins de garde-fous juridiques" et "impliquent plus de risques de contrôles au faciès, pourtant interdits", ajoute le rapport, qui s'inquiète de "mise en danger" et de "violation des droits" des personnes exilées. Des critiques qui font écho au rapport récent de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui s'était dite "profondément choquée" par les traitements des migrants à la frontière franco-italienne.
Les plus concernés par les non-admissions l'an dernier ont été les Soudanais (11.000) suivis des Guinéens (5.900), des Marocains (5.372) et des Ivoiriens (5.205), selon les chiffres publiés par l'association.
La Cimade s'inquiète aussi de voir que parmi les personnes à qui la France a refusé l'accès se trouvaient l'an dernier 17.036 mineurs -- dont 13.500 dans les Alpes maritimes.
Or la justice "a reconnu à plusieurs reprises l'illégalité" de ces refus d'entrée des mineurs isolés, ajoute la Cimade, qui se félicite toutefois que "les forces de l'ordre semblent avoir changé leurs pratiques et ne plus (les) refouler systématiquement".
Le rapport, publié à la veille d'un sommet européen difficile sur les questions migratoires, s'inquiète de la "politique du pire" et de la "compétition entre États" ou chacun veut "dissuader les personnes migrantes d'entrer sur son territoire national".
"La France semble vouloir jouer les premiers rôles dans cette compétition désastreuse", avec un ministre de l'Intérieur qui "exploite et alimente les peurs collectives par un discours sulfureux permanent", ajoute l'association.
Le rapport est publié une semaine après la crise de l'Aquarius, ce navire-ambulance refusé par l'Italie et qui a finalement débarqué en Espagne après avoir frôlé les côtes françaises. Paris a depuis plaidé pour des "centres fermés" où les migrants seraient enregistrés puis répartis entre Etats volontaires (pour les réfugiés) ou éloignés (pour les déboutés).
La Cimade s'inquiète aussi des "logiques de marchandage" avec les garde-côtes libyens en Méditerranée, et des "politiques d'une grande répression" menées en Hongrie.
Ces "contrôles et clôtures" sont une "voie sans issue", estime Jean-Claude Mas, le secrétaire général de la Cimade, qui déplore "une logique enkystée et mortifère de forteresse assiégée".
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