Soutenue par la France et les États-Unis notamment, la Grande-Bretagne a, lors d'une session spéciale des États-membres à La Haye, proposé de donner à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) le pouvoir de désigner les utilisateurs de ces armes de destruction massive.
Son projet de résolution s'est cependant heurté à la résistance de Moscou et Damas, suspectés d'avoir employé respectivement des agents neurotoxiques contre un ex-espion russe et des gaz toxiques contre la population syrienne.
La réunion survient alors que les inspecteurs de l'OIAC doivent très prochainement dévoiler un rapport attendu de longue date sur l'attaque présumée au sarin et au chlore du 7 avril à Douma, près de Damas, qui a fait 40 morts.
"Nous espérions tous que ces terribles instruments de la mort ne seraient plus jamais utilisés", a déclaré le chef de la diplomatie britannique, Boris Johnson, venu pour l'occasion à La Haye.
"Mais la tragique réalité, c'est que des armes chimiques ont été utilisées et sont encore utilisées à nouveau", a-t-il ajouté.
Les Britanniques ont pris l'initiative de cette réunion quelques semaines après l'empoisonnement par un agent innervant de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille à Salisbury (sud-ouest de l'Angleterre), une attaque chimique --la première depuis des décennies en Europe-- que Londres a attribuée à la Russie.
"Aucun d'entre nous ne veut que nos enfants grandissent dans un monde où l'utilisation d'armes chimiques est devenue normale", a affirmé M. Johnson.
Hostilité russe
Le projet britannique a suscité l'hostilité de la Russie, qui a présenté une proposition alternative. Moscou estime qu'un changement du mandat de l'OIAC est une "idée destructrice" qui saperait la base juridique de l'organisation.
"Le seul organe international ou tribunal international qui peut décider qui est coupable lorsqu'il est question de membres des Nations unies est le Conseil de sécurité" de l'ONU, a déclaré le vice-ministre russe de l'Industrie et du Commerce, Gueorgui Kalamanov.
Avec l'appui des représentants iranien et syrien, l'ambassadeur de la Russie aux Pays-Bas, Alexandre Choulguine, a longuement tenté de noyer les débats avec des questions de procédure.
La seule adoption de l'ordre du jour a nécessité près de trois heures, suscitant l'agacement des délégués américain et canadien.
Fin 2017, Moscou avait exercé son droit de veto à l'ONU pour mettre fin au mandat de la mission d'enquête commune ONU-OIAC, le Joint Investigative Mechanism (JIM), visant à identifier les responsables des attaques en Syrie.
De plus en plus protectrice de Damas, son allié, à mesure que la guerre civile se propageait en Syrie, la Russie a affirmé que l'attaque de Douma avait été mise en scène par les sauveteurs volontaires syriens, connus sous le nom de Casques blancs.
Vote prévu mercredi
L'absence de responsabilités risque d'encourager "la réapparition et l'acceptation potentielles de produits chimiques comme armes de guerre et de terreur", a déclaré le directeur général de l'OIAC, Ahmet Uzumcu.
Pour les pays occidentaux, le rôle de l'organisation doit évoluer et s'élargir.
"La question de l'attribution (des attaques chimiques, ndlr) peut et doit relever de l'OIAC", a dit la Bulgare Judit Koromi au nom de l'UE et de plusieurs autres pays européens.
"Permettre que l'utilisation d'armes chimiques continue impunément menace notre système fondé sur des règles et toutes les nations du monde", a aussi fait valoir le secrétaire d'État adjoint américain, John Sullivan.
Publics mardi, les débats se dérouleront à huis clos mercredi avec un vote prévu sur le projet britannique ce jour-là.
Pour être approuvé, le projet devra obtenir une majorité des deux tiers des votants.
"Nous sommes confiants que le vote passera", a indiqué, sous le couvert de l'anonymat, un diplomate occidental.
Avant sa dissolution en décembre, le JIM avait déterminé que le régime syrien avait utilisé du chlore ou du gaz sarin au moins quatre fois contre sa propre population et que le groupe État islamique avait utilisé du gaz moutarde en 2015.
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