"Je veux que les gens en France connaissent la culture irakienne, et pas juste la cuisine, tout! Parce qu'ici personne ne connaît rien à l'Irak...", lance Jawad, 50 ans et la moustache grisonnante.
Avec sa femme, il a participé de jeudi à lundi soir au Refugee Food Festival, où les restaurateurs ouvrent leur cuisine à des réfugiés, initiative lancée à Paris en 2016, qui se déroule désormais dans une centaine de restaurants, jusqu'aux Etats-Unis.
Jawad s'active avec son épouse dans le snack de Darwin, vaste espace associatif sur les bords de la Garonne. Ils viennent de servir des kebbé, beignets fourrés à la viande, une première pour le couple en reconversion.
Avant la gazinière, c'est un studio de radio que Zainab et Jawad ont commencé par partager en 1996, à Bagdad. Jawad est journaliste titulaire, Zainab simple stagiaire.
"Zainab avait fait le journal pour la radio. Le texte est arrivé sur mon bureau, je lui ai demandé si je pouvais lire. Et j'ai commencé à tout corriger!", raconte-t-il dans un mélange de français et d'anglais, en jean et chemise blanche.
A ses côtés, son épouse, 43 ans, reprend l'air intimidé qu'elle avait à l'époque, avant d'éclater de rire.
Après plusieurs années passées à travailler ensemble, leurs carrières se séparent, et c'est en 2002 qu'ils se marient. "C'est pas comme en France, on n'est pas sortis ensemble", assure l'ancien journaliste.
Pas le niqab
Treize ans plus tard, c'est un reportage de Jawad qui les décide à prendre la fuite. Parti dans le nord de l'Irak avec un photojournaliste, il aperçoit des miliciens en train de tirer sur des maisons et diffuse les images sur la chaîne de télévision pour laquelle il travaille.
En représailles, son collègue se fait casser le bras et la mâchoire. Jawad s'en tire avec des menaces de mort mais préfère se mettre à l'abri avec son épouse et ses deux enfants.
"C'est très dangereux d'être journaliste en Irak. Onze à douze journalistes sont partis en même temps que moi en 2014-2015 ", affirme-t-il.
Et pour sa femme la vie quotidienne devenait compliquée: "Zainab n'aime pas le niqab (voile intégral ne laissant que les yeux apparents, ndlr), elle refuse de le porter", explique son mari. "Je ne pouvais pas accompagner mes fils faire des courses par exemple", déplore Zainab, discrètement maquillée, en tunique bleue à fleurs rouges.
Ils bénéficient d'un visa accordé par l'ambassade de France à Bagdad, et n'ont pas à s'en remettre à des passeurs pour arriver jusqu'à Bordeaux.
"Nous savions tout de la France en Irak parce que nous apprenons la culture française et l'histoire de la France dans les universités", souligne Jawad.
Reconnus réfugiés politique depuis novembre, le couple vit à Bordeaux depuis 2015. Lui apprend la cuisine et elle le français. La ville les a conquis : Bordeaux est "un peu comme le vieux Bagdad avec la rivière et les ponts", dit Zainab.
Jawad ne manque pas de projets : ouvrir son propre restaurant oriental, et monter sa "radio spéciale en néerlandais, arabe, anglais et français".
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