Nicolas Sarkozy fut le dernier chef d'Etat, en décembre 2007, à se plier à cette tradition dans l'immense basilique majeure de Saint-Jean-de-Latran, attitrée à l'évêque de Rome (le pape). Suscitant un tollé, pour son discours d'éloge de la foi considéré bien peu laïc par la gauche.
Le président Macron s'abstiendra prudemment mardi de tout discours sur le terrain miné de la laïcité.
"Il ne va pas revenir en France avec une calotte écarlate et une robe de bure, il ne rentre pas dans les ordres!", insistent ses conseillers.
"C'est un titre honorifique et historique, sans aucune dimension spirituelle", décrit l'Elysée, en ajoutant: "c'est une espèce de cérémonial, c'est emballé assez vite et il n'y a rien de majestueux".
Le président assistera à une célébration liturgique, comprenant une prière et la lecture d'un texte biblique, avant de prendre possession de sa stalle (virtuelle) dans la chapelle Colonna. Il rencontrera ensuite la communauté catholique française réunie dans le palais attenant du Latran, évitant de nouveau tout discours. Une double séquence d'une heure et demie.
Invité par la Conférence des évêques de France (CEF), Emmanuel Macron avait appelé en avril à "réparer" le lien "abîmé" entre l'Église et l'État français, provoquant des réactions dans la partie de la classe politique attachée à une conception stricte de la laïcité (Eglise et Etat sont séparés depuis 1905 en France).
L'événement inédit depuis plus d'une décennie se déroulera mardi après-midi, après la rencontre privée en matinée d'Emmanuel Macron avec le pape François au Vatican.
Henri IV dépoussiéré
Le chanoine français du Latran, Mgr Louis Duval-Arnould, érudit archiviste et pétillante mémoire des visites présidentielles, l'accueillera au pied des marches de la basilique. "Sa venue est une bonne nouvelle, nous en sommes très fiers", confie-t-il.
Pour l'occasion, la gigantesque statue de bronze d'Henri IV, sculptée en 1608 et cachée dans l'alcove d'un portique, a été dépoussiérée.
Le roi Henri IV fut le premier à recevoir le titre de chanoine d'honneur, en 1604, après avoir abjuré le protestantisme et reçu l'absolution du pape avec l'aide des chanoines francophiles du Latran. Henri IV donna alors à la basilique les bénéfices de l'abbaye de Clairac (sud de la France).
Les présidents de la République ont hérité de la tradition des rois de France, interrompue un temps par la Révolution française.
Le socialiste François Hollande, à l'instar de François Mitterrand et Georges Pompidou, n'est jamais venu recevoir le titre.
L'invitation faite à Valéry Giscard d'Estaing s'est perdue pendant des mois dans la pile de "lettres de fous" reçues à l'Elysée, s'amuse Mgr Duval-Arnould. Du coup, faute de réponse en temps et en heure, "le président s'est senti obligé de venir!", dans les pas de René Coty et du général Charles de Gaulle, ajoute-t-il.
Jacques Chirac, venu en grande pompe en "visite d'Etat" au Vatican, avait pris le temps d'admirer l'admirable pavage de l'église, son cloître aux colonnes torsadées et la statue d'Henri IV en tenue d'empereur romain.
"Nicolas Sarkozy ne pensait qu'à son discours et a fichu le camp tout de suite! On l'a quand même emmené jusqu'à la statue d'Henri IV", se souvient l'archiviste.
"C'est la France ici", décrit Mgr Duval-Arnould. On célèbre encore dans la basilique une messe pour la France, tous les 13 décembre, jour de l'anniversaire d'Henri IV.
Une chapelle abrite aussi un monument érigé en l'honneur de Louis XV pour le remercier de ses dons généreux.
Dès l'empereur romain Constantin (qui mit fin aux persécutions des chrétiens voici environ 1700 ans) et jusqu'au 14è siècle, l'église du Latran et son palais attenant constituaient les lieux de pouvoir du pape, avant d'être transférés à la Cité du Vatican.
Le tout premier édifice monumental chrétien, construit aux alentours de 320, affiche l'inscription "mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde".
En comparaison, la basilique Saint-Pierre construite autour de la sépulture de l'apôtre, "c'est une petite église de cimetière!", balaie le Français avec un large sourire.
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