Cette affaire braque les projecteurs sur l'ultradroite alors que la menace terroriste est venue ces dernières années essentiellement des réseaux jihadistes, responsables d'une vague d'attentats sans précédent depuis 2015.
Menées dans la nuit de samedi à dimanche par les policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), les arrestations se sont notamment déroulées en Corse, en région parisienne, dans la Vienne et en Charente-Maritime.
Les interpellés, toujours soumis lundi matin à une mesure de garde à vue qui peut durer 96 heures en matière terroriste, avaient "un projet de passage à l'acte violent, aux contours mal définis à ce stade, ciblant des personnes de confession musulmane", a précisé une source proche de l'enquête.
Selon TF1-LCI qui a révélé le coup de filet, ils ciblaient notamment des imams radicaux, des détenus islamistes sortant de prison mais aussi des femmes voilées, choisies au hasard dans la rue.
Dans un communiqué, le Conseil français du culte musulman (CFCM) indique lundi qu'il fera part au ministre de l'Intérieur de sa "profonde préoccupation" pour la sécurité des quelque 2.500 lieux de culte et des près de six millions de fidèles de la deuxième religion de France.
La direction de l'instance représentative du culte musulman, qui devait être reçue à Beauvau à 14H30, demande à Gérard Collomb de "prendre toutes les mesures" de protection "appropriées".
Dans un tweet, le ministre de l'Intérieur avait salué dimanche "l'engagement constant de la DGSI, qui veille au quotidien à la protection des Français face à toute action violente, d'où qu'elle vienne".
Un retraité de la police
Si le nombre d'actes antimusulmans enregistrés a diminué en 2017 par rapport à 2016, notamment grâce à une forte baisse des simples menaces, la sous-catégorie des actions violentes a augmenté, passant de 67 à 72 faits.
Des responsables religieux et associatifs déplorent en outre un haut niveau d'"islamophobie" dans le débat public, sur fond de menace jihadiste.
"Je n'ai pas été surpris par ce coup de filet parce que le climat actuel d'islamophobie encourage ce type de passage à l'acte", a déclaré à l'AFP le président de l'Observatoire contre l'islamophobie du CFCM, Abdallah Zekri.
Pour le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, cette affaire "montre que des racistes (...) se sentent suffisamment soutenus pour passer de leur pensée-poubelle (...) à des actes sanglants".
La présidente du Rassemblement national (RN, ex-FN), Marine Le Pen, a, elle, mis en garde contre tout "lien" qui pourrait être établi entre les personnes interpellées et les militants identitaires ou ceux de son parti d'extrême droite.
"Nous avons toujours (...) condamné toute utilisation de la violence", a abondé Nicolas Bay, membre du bureau exécutif du RN, ajoutant que son parti menait "le combat contre l'islamisme" seulement "sur le terrain politique".
Parmi les interpellés de ce week-end figure le chef de file présumé de ce réseau, Guy S., retraité de la police nationale et habitant de Charente-Maritime, selon des sources proches de l'enquête. Les suspects gravitaient autour d'un mystérieux groupuscule baptisé "AFO" (Action des forces opérationnelles).
Les dossiers judiciaires impliquant la mouvance de l'ultradroite sont rares au sein du pôle antiterroriste de Paris, accaparé depuis 2015 par les affaires jihadistes.
En octobre 2017, les services antiterroristes avaient démantelé un groupuscule d'ultradroite fédéré autour d'un ex-militant du mouvement royaliste Action française, Logan Nisin. Arrêté en juin 2017, il avait reconnu avoir fondé l'"OAS", un groupe reprenant le nom de l'organisation responsable d'une campagne sanglante contre l'indépendance de l'Algérie dans les années 1960. Avec pour mot d'ordre: "Enclencher une re-migration basée sur la terreur".
Le groupe avait envisagé de s'en prendre au leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, et à Christophe Castaner, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et ex-maire de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), mais aussi de cibler des "kebabs" de Marseille ou le "chantier de la grande mosquée de Vitrolles".
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