A la veille du deuxième anniversaire du référendum qui a vu les Britanniques voter pour la sortie de l'UE, Airbus a tiré la sonnette d'alarme dans un communiqué, en avertissant qu'il allait revoir ses investissements au Royaume-Uni en cas de divorce sans filet.
"Dit simplement, un scénario sans accord menace directement l'avenir d'Airbus au Royaume-Uni", y dit abruptement Tom Williams, directeur d'exploitation de la branche de l'aviation civile d'Airbus.
Les enjeux pour Londres sont énormes. Airbus emploie près de 15.000 personnes sur plus de 25 sites au Royaume-Uni, où il fabrique les ailes de ses avions civils et militaires. Il fait aussi travailler indirectement plus de 100.000 personnes, à travers un réseau de 4.000 fournisseurs et contribue à hauteur de 7,8 milliards de livres à l'activité économique britannique.
Au Pays de Galles, où Airbus génère environ 11.700 emplois directs et indirects, le gouvernement régional travailliste a qualifié l'annonce du groupe d'"extrêmement inquiétante".
Jusqu'ici soucieuse de préserver sa marge de manoeuvre, Mme May refuse d'exclure la possibilité d'une absence d'accord même si elle répète que ce n'est pas l'option qu'elle privilégie.
"Nous avons fait des progrès significatifs en vue de la conclusion d'un partenariat étroit et spécial avec l'UE pour assurer que les échanges commerciaux demeurent aussi libres et fluides que possible, en incluant le secteur aérospatial", a réagi une de ses porte-parole vendredi.
"Etant donné les bons progrès que nous continuons d'enregistrer dans les négociations, nous ne nous attendons pas à ce que le scénario d'une absence d'accord émerge", a-t-elle ajouté.
Demande de clarté
Mais à quelques jours d'un sommet européen à Bruxelles, l'inquiétude augmente quant à la progression des discussions et la possibilité de les voir aboutir d'ici fin octobre comme initialement prévu, pour laisser le temps au Parlement européen et aux différents parlements nationaux le temps de se prononcer avant le 29 mars 2019, date prévue du Brexit.
Airbus, qui dit regretter ne pas avoir été entendu par le gouvernement britannique, explique avoir réalisé une évaluation des risques selon laquelle l'absence d'accord provoquerait de "graves perturbations" dans la production au Royaume-Uni.
Une éventualité que le groupe dit ne pas pouvoir se permettre, compte tenu d'une chaîne d'approvisionnement très intégrée et des nombreux échanges de composants et matériaux entre le Royaume-Uni et le continent.
Mais même en cas d'accord, et alors que Mme May continue d'exclure de rester dans l'union douanière européenne, Airbus signifie qu'il n'y trouvera pas son compte. "Dans n'importe quel scénario, le Brexit a de graves conséquences négatives sur l'industrie aéronautique britannique et sur Airbus en particulier", a prévenu M. Williams.
Interrogé sur la BBC, il a indiqué laisser quelques semaines au gouvernement britannique pour apporter de la "clarté".
Airbus est loin d'être le seul groupe à s'inquiéter d'un divorce avec pertes et fracas entre Londres et Bruxelles. Nombre de groupes bancaires ne cachent pas préparer des plans d'urgence tandis que l'ambassadeur du Japon a expliqué que si le maintien d'activités au Royaume-Uni n'était pas rentable, les sociétés japonaises ne pourront pas poursuivre leurs opérations dans le pays.
Des avertissements qui ne vont pas arranger les affaires de Mme May, contrainte de faire en permanence le grand écart entre les europhobes de son parti, qui veulent rompre les amarres de manière nette avec l'UE, et les partisans du maintien de liens étroits.
Parmi ces derniers, le député conservateur Stephen Crabb est monté au créneau en soulignant que "l'énorme usine d'Airbus dans le nord du Pays de Galles est un des joyaux de la couronne de l'industrie britannique" en danger.
Darren Jones, député de l'opposition travailliste dont la circonscription abrite une usine à Filton, près de Bristol (sud-ouest de l'Angleterre), a reproché à l'exécutif de n'écouter que "les députés pro-Brexit tenants d'une ligne dure, et non les entreprises".
"Des dizaines de milliers d'emplois qualifiés et bien payés sont maintenant menacés en raison du bazar créé par le gouvernement au sujet des négociations sur le Brexit", a-t-il déploré.
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