Pétard mouillé
En Espagne, Mundo Deportivo titre "Au fond de l'abîme" avec une photo de Sampaoli la tête dans les mains...
Il était question de "révolution" après le premier match de ce Mondial-2018, raté par l'Argentine contre l'Islande (1-1). Exit les stars Marcos Rojo et Angel Di Maria, décevantes, exit la défense à quatre, place à une défense à trois et à des joueurs du championnat argentin, comme Enzo Perez (River Plate) ou Maximiliano Meza (Independiente).
"On est arrivés avec une certaine organisation, en première période on a réussi a contrôler notre adversaire et on a aussi eu nos moments de domination", a expliqué Sampa en conférence de presse. "Mais c'était difficile de passer le ballon à Léo" Messi, a-t-il souligné. Après la mi-temps "nous avons fait entrer Cristian Pavon pour faire évoluer les choses, mais à la suite du premier but croate l'équipe n'a pas réussi à s'en sortir".
"Dans un tournoi au format aussi court, il faut prendre des risques, et je suis responsable pour tout ça", a dit l'Argentin de 58 ans, très marqué. "Je demande pardon aux supporters, notamment à ceux qui sont venus voir l'Argentine ici. Je suis responsable et profondément blessé par ce résultat."
Urgence permanente
Mais pouvait-il vraiment en être autrement avec un tel effectif, et après une telle préparation ? Jorge Sampaoli n'a pris ses fonctions qu'en mai 2017, en pleine campagne de qualifications pour ce Mondial. Sa feuille de route était alors dictée par l'urgence: d'abord, se qualifier pour le Mondial, ce qui n'a longtemps pas été une évidence. Et dans un second temps seulement, préparer la Coupe du Monde.
Finalement, la sélection argentine n'a disputé qu'un match de préparation avant le voyage en Russie, face à une faible équipe haïtienne, avant de perdre sur blessure un titulaire potentiel, Manuel Lanzini. Un autre match, contre Israël, a été annulé pour cause de polémique internationale et Sampaoli a glissé que cela avait "pu nous desservir un peu sportivement".
Et maintenant, que faire ? "On va devoir donner tout ce qu'on peut, il n'y a pas d'autre alternative" pour le match contre le Nigeria le 26 juin, puisque l'Argentine n'est pas encore mathématiquement éliminée.
Sampa comme Bielsa ?
Et ensuite ? Limoger Sampaoli en cas d'élimination dès la phase de groupes ? L'Argentin a pourtant réussi dans d'autres contextes: dans le championnat de l'autre côté des Andes avec l'Universidad de Chile (2011-12), à la tête de la sélection chilienne (2012-16), avec laquelle il a gagné une Copa America au détriment de... l'Argentine. Ou même avec le Séville FC (2016-17), où il avait commencé à développer son football résolument offensif avant d'être appelé au chevet de l'Albiceleste.
"J'ai une très bonne relation avec lui, nous l'avons fait venir pour gagner la Coupe du monde, parce que c'est l'objectif", avait dit avant le début du Mondial, quand tout allait encore à peu près bien, le président de la fédération argentine (AFA) Claudio Tapia.
La question du maintien en poste de Sampaoli risque de se poser en cas d'élimination dès la phase de groupes, ce qui n'est pas arrivé à l'Argentine depuis 2002. Sélectionneur à l'époque, le mentor de Sampaoli Marcelo Bielsa avait immédiatement remis sa démission après la déroute.
Un départ ne réglerait toutefois pas les problèmes du football argentin. "La Fédération n'a pas de vision sportive et on ne sait ni où elle va, ni ce qu'elle veut...", soupirait dès avant la rencontre le spécialiste du football sud-américain et responsable du site Lucarne Opposée, Nicolas Cougot. Sans politique sportive cohérente ni projet de long terme, le football argentin risque d'attendre longtemps un nouveau trophée. Et ne pourra bientôt plus compter sur Lionel Messi pour masquer ses faiblesses.
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