Depuis que son administration a abruptement décrété début mai une politique de "tolérance zéro", sous la houlette de l'ultra-conservateur ministre de la Justice Jeff Sessions, plus de 2.300 enfants ont été séparés de leurs familles. Les photos de ces derniers, apeurés, en pleurs, tentant de s'agripper à leurs parents, interpellent, choquent.
Si le magnat de l'immobilier est habitué aux polémiques qu'il alimente souvent à dessein, et s'il faut se méfier de décréter un énième "tournant" dans une présidence chaotique, la séquence politique en cours est inédite. Rarement Donald Trump a-t-il suscité une telle levée de boucliers, une telle avalanche de condamnations.
Lorsqu'il dénonce l'attitude de ses adversaires politiques --"C'est la faute des démocrates", répète-t-il en boucle sur Twitter-- personne ne le suit véritablement. Et jour après jour, c'est au sein même du camp républicain que le malaise est de plus en plus palpable.
Le Grand Old Party en est conscient: à quelques mois des élections de mi-mandat où il redoute de perdre la majorité à la Chambre des représentants, il est engagé dans un exercice hautement périlleux sur un sujet extraordinairement émotionnel.
S'il galvanise incontestablement une partie de sa base, Donald Trump se coupe aussi d'une autre, en particulier au sein des chrétiens évangéliques, qui ont largement contribué à sa victoire mais où des voix discordantes se font désormais entendre.
Steve Schmidt, ancien conseiller du sénateur John McCain et critique de longue date de l'impétueux président, a annoncé mercredi qu'il...quittait tout simplement son parti, écoeuré par les images de "bébés arrachés de leurs mères".
"Il y 29 ans et neuf mois, je me suis enregistré sur les liste électorales et je suis devenu un membre du Parti républicain, fondé en 1854 pour s'opposer à l'esclavage et défendre la dignité de la vie humaine. Aujourd'hui, je renonce à mon adhésion (...) à ce qui est devenu le parti de Trump", a-t-il tranché d'un tweet ciselé.
Le "moment Katrina" ?
Si les tractations se poursuivent au Congrès, où un texte sera soumis au vote jeudi, et si un changement de pied soudain du président américain n'est jamais à exclure, l'épisode pourrait laisser des traces dans la durée.
Pour Jill Abramson, ancienne directrice générale du New York Times aujourd'hui éditorialiste pour le Guardian, cet épisode pourrait être le "moment Katrina" de Donald Trump, une référence à l'attitude de George W. Bush durant l'ouragan qui avait ravagé la Nouvelle-Orléans en 2005.
La photo de ce dernier contemplant la zone dévastée à travers le hublot d'Air Force One est restée comme un redoutable symbole d'un président déconnecté des réalités du terrain.
"Trump fait la même erreur que Bush", estime-t-elle, évoquant son "manque de coeur". "Ce n'est pas l'image que même les conservateurs les plus acharnés veulent donner de l'Amérique au monde", ajoute-t-elle.
Au-delà de l'argumentaire, le vocabulaire utilisé par le président de la première puissance mondiale a aussi choqué. Mardi, il mettait en garde dans un tweet contre les immigrants illégaux appartenant à des gangs qui "infestent notre pays".
Selon un sondage Quinnipiac University rendu public lundi, seul un tout petit tiers des Américains (27%) approuve sa politique de séparation des familles. Dans le camp républicain, il a une majorité derrière lui, mais la marge est plutôt faible: 55% d'entre eux affirment être en accord avec le président sur ce thème.
Donald Trump, qui martèle qu'il veut la "sécurité aux frontières" à tout prix, devait s'exprimer mercredi soir lors d'un meeting de campagne à Duluth, dans le Minnesota (Nord).
C'est lors de ce type de rassemblements, devant des milliers de partisans et presque autant de casquettes rouges Make America Great Again (Rendre à l'Amérique sa grandeur), qu'il abandonne le plus volontiers les téléprompteurs pour multiplier les digressions et les provocations.
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