La tragédie de l'école Rebsamen a pris une tournure politique à deux semaines des élections présidentielles et locales du 1er juillet, certaines familles ayant déposé plainte contre les autorités, affirmant que la corruption "avait tué leurs enfants".
La principale personne visée est Claudia Sheinbaum, actuelle candidate à la mairie de Mexico et favorite des sondages, une proche de Andres Manuel Lopez Obrador du parti Morena (gauche), qui pourrait devenir le 1er juillet prochain le nouveau président du Mexique.
Au moment du séisme, Mme Sheinbaum administrait le secteur de Tlalpan, quartier de la capitale où s'est déroulé le drame.
Selons des experts, c'est la construction d'un appartement privé destiné à la propriétaire de cette école privée au-dessus du dernier étage du bâtiment qui aurait fragilisé l'ensemble de la structure.
Pour cette extension, la propriétaire - aujourd'hui en fuite - avait reçu un permis de construire délivré par les autorités locales.
Mme Sheinbaum a rejeté avec véhémence toute responsabilité dans le drame. Elle n'a pour l'heure pas donné suite aux demandes d'interview de l'AFP.
L'école Rebsamen est l'un des 47 immeubles de la capitale qui se sont effondrés le 19 septembre 2017 suite au non-respect aux normes de construction pour des raisons de corruption, selon le collège des architectes de Mexico.
Après des mois de silence, des parents ou proche de victimes de cette tragédie témoignent à l'AFP, entre colère et tristesse.
Democratie?
Mireya Rodriguez, médecin, et Alejandro Jurado, consultant financier, ont perdu leur fille de 7 ans, Paola, une brillante élève qui pratiquait également la danse, la natation et le taekwondo.
Avec nostalgie, ils montrent ses médailles et la ceinture noire qu'elle a reçue à titre posthume.
"Reconstruire notre famille sans elle est vraiment difficile" confie la mère, 48 ans.
"Même aller au supermarché, acheter des choses qu'elle aimait est très dur pour moi" souffle le père, 47 ans, la voix brisée.
Mireya Rodriguez demande une enquête sur la responsabilité des autorités.
Nos enfants "ont été tués par négligence. Même si Sheinbaum est élue maire, il faudra un jour qu'elle affronte la justice".
Si le Mexique "était vraiment une démocratie, ces responsables auraient démissionné", estime-t-elle.
Corruption
Oscar Vargas, qui travaille à la télévision, regarde à peine quand il parle de son "grand nain", le surnom de son fils Raul Alexis, disparu à l'âge de 7 ans.
M. Vargas, 50 ans, montre le maillot de foot du club America, le club favori de son fils et ses chaussures de foot. Raul Alexis a été incinéré avec un maillot identique, offert par l'attaquant star de l'équipe, Oribe Peralta.
"Je lui disais que je serai toujours là pour prendre soin de lui... mais ça n'a pas été possible ce jour-là", regrette-t-il.
"Ca a été un calvaire. Je ne peux toujours pas l'assimiler, l'accepter, comprendre ce qui s'est passé".
"Oser vouloir diriger une ville quand on n'a pas été capable de diriger un secteur: je n'ai pas les mots" dit-il, en référence aux ambitions politiques des responsables mis en cause dans le drame.
"Mon estomac se retourne quand je l'entends dire (Scheinbaum) qu'elle va en finir avec la corruption".
Impunité
Miriam Rodriguez Guise, une mère célibataire de 36 ans, avait organisé sa vie autour de son fils de sept ans, Jose Eduardo.
Elle avait ouvert un commerce pour ne pas dépendre d'un employeur et pouvoir ainsi gérer au mieux son temps.
"Jose Eduardo était tout pour moi. J'étais une mère à 100% du temps. Je ne vis plus, je survis avec la douleur", dit-elle en montrant un album photo de son fils, dont la dernière image remonte au 17 septembre, deux jours avant le séisme.
"Au début, on pensait que c'était le séisme qui avait provoqué son décès (...) mais ensuite les premières irrégularités dans la construction sont apparues" dit-elle.
Elle déplore qu'aucun responsable politique n'ait été convoqué pour s'expliquer sur ces irrégularités.
"Cela créé de l'impunité et nous fait sentir impuissants en tant que parents. C'est pour cette raison que nous avons décidé de lutter" dit-elle.
Procès?
Maria Elena Gonzalez Perez, 50 ans, a perdu sa soeur Gloria, une femme de ménage qui travaillait dans l'appartement de la propriétaire de l'école.
"Pour nous, le ciel s'est effondré ce jour-là" dit-elle au bord des larmes.
Mme Gonzalez élève désormais le fils de 18 ans de Gloria.
"Il est à un âge très difficile" dit-elle.
"Il est fatigué de tout cela. Il ne veut pas parler de procès car il pense que rien ne se produira, qu'ils ne feront rien contre les politiques et que nous perdons notre énergie".
Maria Elena Gonzalez pense différemment.
"Ca vaut la peine, parce que personne d'autre ne doit vivre ce que nous avons vécu" assure-t-elle.
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