A deux semaines de l'échéance, le décret d'application a été publié dimanche au Journal officiel.
Cette limitation de vitesse s'appliquera sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central (muret, glissière), soit 40% du réseau routier français.
Annoncée le 9 janvier dans le cadre d'un plan gouvernemental visant à réduire le nombre de tués sur les routes, la mesure a depuis déclenché une levée de boucliers des associations d'automobilistes et de motards, rejoints par des élus et même certains ministres. Dans un sondage publié en avril, 76% des Français s'y déclaraient opposés.
Conscient du tollé qu'il allait susciter, le Premier ministre Edouard Philippe s'est toujours dit "prêt à assumer l'impopularité" de cette disposition qui permettra, selon lui, de sauver 300 à 400 vies par an.
"Réduire le nombre de morts et de blessés sur les routes françaises est un véritable enjeu de politique publique", a-t-il ainsi répété le 18 mai, alors que la veille le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, avait préféré brandir un "joker" quand un élu l'avait interrogé sur le sujet.
Une "clause de rendez-vous" est fixée au 1er juillet 2020. "Si les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances, (...) le gouvernement prendra ses responsabilités", a assuré Edouard Philippe.
Source de sempiternelles querelles, cette mesure vise à réduire la mortalité routière qui, après le plus-bas historique de 2013 (3.427 morts, métropole et Outremer confondus), est repartie à la hausse entre 2014 et 2016. Cette tendance s'est inversée en 2017 (3.684 morts, -1,4% par rapport à 2016).
"Enfin ! C'est LA mesure de rupture nécessaire et indispensable pour remédier à la remontée, puis aujourd'hui la stagnation à un niveau médiocre, de la mortalité routière", se réjouit la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon, saluant le "courage" du gouvernement face aux "lobbies et (aux) hommes politiques politiciens qui ont déployé tant d'énergie pour s'opposer".
Selon elle, cette disposition s'inscrit dans la lignée d'autres mesures "majeures" de sécurité routière, comme l'instauration des radars automatiques (2002) ou la ceinture de sécurité obligatoire (1973), également décidées contre l'avis de l'opinion publique.
Mesure "parisianiste"
Les opposants, qui dénoncent un "passage en force" du gouvernement, affirment que cette baisse de la vitesse n'aura pas d'effet significatif, jugeant notamment dépassé le modèle des chercheurs suédois Nilsson et Elvik sur lequel se basent les partisans du "80 km/h" (une baisse de 1% de la vitesse engendre une diminution de 4% des accidents mortels).
Cette mesure "parisianiste", selon le délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes Pierre Chasseray, renforce également le sentiment d'isolement des habitants des zones rurales, où sont situées l'essentiel des routes concernées, estiment-ils.
"On a mené 250 actions depuis janvier, du jamais vu depuis 40 ans. L'opposition n'est pas une majorité silencieuse, c'est une majorité qui se déclare contre, manifeste, écrit à l'Elysée et qui n'est pas écoutée", ajoute Didier Renoux, porte-parole de la Fédération française des motards en colère (FFMC).
Pourquoi imposer une nouvelle mesure "répressive" alors qu'une baisse de la mortalité est amorcée ? s'interrogent-ils.
"On n'est pas encore revenu au niveau de 2013", répond le délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe en soulignant que, exception faite du nombre de morts, le nombre d'accidents corporels (+2,2%), de personnes blessées (+1,3%) et d'hospitalisations (+2%) ont été en hausse en 2017.
Les routes secondaires à double sens hors agglomération ont par ailleurs concentré 55% des accidents mortels de l'année.
Face à la colère de leurs administrés, des sénateurs ont créé un groupe de travail pour évaluer "l'utilité et l'efficacité" de la mesure.
Ils préconisaient une application "décentralisée et ciblée", avec des routes limitées à 80 km/h choisies au niveau des départements en fonction de leur dangerosité. L'option n'a pas été retenue par le gouvernement.
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