"J'ai toujours dit que le jour où je serais atteinte d'une maladie incurable, je voulais partir dignement", raconte cette ancienne secrétaire médicale aux cheveux courts, une main glissée entre celles de Bernard, son compagnon depuis 9 ans.
Elle souffre d'un carcinose péritonéale, cancer diagnostiqué en avril 2017, inopérable et inguérissable après l'échec d'un premier protocole de chimiothérapie.
Une double embolie pulmonaire, de l'ascite - un épanchement de liquide dans l'abdomen -, des problèmes neuropathologiques dans les mains et les pieds, une piqûre quotidienne d'anticoagulants... "Je suis arrivée à la limite de ce que je peux supporter. Certains jours, rien que d'arracher un sparadrap c'est trop", soupire-t-elle. "Et ça ne fait qu'un an que je suis malade!".
L'Association pour le droit de mourir dans la dignité l'oriente vers la Belgique où deux médecins valident en janvier sa demande d'euthanasie. Le jour où elle l'aura décidé, on lui injectera une anesthésie, puis un produit létal.
"Mes deux enfants me soutiennent, Bernard aussi, mais s'ils n'avaient pas été d'accord, ça n'aurait rien changé à ma décision", souligne la sexagénaire.
La perspective d'une euthanasie "m'a donné la force de me battre, de continuer à me soigner", affirme cette femme menue, maquillée avec soin et très souriante.
"J'ai pris conscience à ce moment-là que j'étais dans une bulle, tellement résignée à mourir que j'en avais oublié de vivre. J'avais verrouillé toutes mes envies, je ne pleurais plus, je ne riais plus", constate-t-elle, expliquant avoir ressenti "un énorme soulagement, un apaisement". Alors qu'elle ne prenait plus soin d'elle, elle a retrouvé sa coquetterie.
"Porte de sortie"
La possibilité d'une sédation profonde proposée par un médecin des soins palliatifs - seule solution légale en France - ne l'avait guère convaincue. "C'est à l'équipe médicale de décider de la mettre en place en toute fin de vie. Je ne vois pas ce que ça m'apporterait, à moi comme à mes proches", s'emporte-t-elle.
Il y a quatre ans, sa sœur, souffrant de la maladie de Charcot, s'est suicidée. "Je n'ai pas compris qu'elle ait fait ça seule, dans son coin", se souvient Sylvie, qui a accompagné de longs mois son mari, atteint d'un cancer de la moelle osseuse en 1999. "J'ai assisté à sa fin de vie qui a été très difficile, il est mort étouffé. On avait demandé tous les deux à ce qu'ils arrêtent et ça a été un refus total", poursuit-elle.
C'est aussi par "orgueil" qu'elle a entrepris ces démarches. "Je ne veux pas que l'on me voit partir dégradée, je veux que mes proches gardent de moi une image correcte."
"C'est rassurant pour moi de savoir que Sylvie partira sans souffrance et rapidement. J'aurai eu beaucoup de mal à la voir souffrir sur un lit, pendant des jours, des semaines", approuve son compagnon, la voix chargée d'émotion, le regard empli de tendresse.
Le retraité, âgé de 66 ans, s'interroge sur les raisons qui empêchent la France d'adopter le suicide assisté ou l'euthanasie comme en Belgique, au Luxembourg et en Suisse.
A côté de la porte d'entrée de leur appartement, près de l'abbaye des Prémontrés, à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), un grand cabas contient dossier médical et traitements. Et Sylvie Richard conserve précieusement sur elle ses directives anticipées de fin de vie. "J'ai vraiment pris toutes mes précautions", glisse-t-elle.
Dans sa cour, elle a rempli tous les bacs de fleurs.
"La vie a repris parce que je sais que j'ai ma porte de sortie. Sans la perspective de l'euthanasie, la vie n'aurait pas été possible", dit-t-elle.
Le protocole de chimiothérapie qu'elle suit prévoit encore deux séances qu'elle fera à Arcachon, non loin d'un camping où elle va passer un peu plus d'un mois. "Mon seul but maintenant, c'est de prendre du plaisir", glisse-t-elle dans un large sourire.
"Je suis rassurée sur ma fin de vie, je maîtrise totalement mon destin", ajoute Sylvie.
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