Au moins trois personnes ont été tuées par balles ces denières heures lors d'assaut lancés par les forces anti-émeutes et des milices paramilitaires pro-gouvernementales contre les barricades érigées par les manifestants, selon le Centre nicaraguayen des droits de l'homme (Cenidh).
Ces violents incidents se sont produits dans plusieurs bastions de l'opposition autour de la capitale Managua, notamment Nagarote (nord-ouest), Tipitapa (est) et Masatepe (sud), a précisé à l'AFP Marlin Sierra, directrice du Cenidh.
Depuis minuit, le pays est paralysé par une grève nationale, décrétée par l'opposition pour protester contre la répression des manifestations, qui a fait 161 morts et plus de 1.300 blessés depuis le début du mouvement le 18 avril.
"Tout est à l'arrêt, (on voit que) la population soutient la grève", a témoigné Pablo Ramírez, un chauffeur de taxi de Managua contraint à l'inactivité faute de clients.
Seuls de rares bus aux trois quarts vides circulaient dans les artères de la capitale, quadrillées par les forces de sécurité. Et le Mercado oriental, l'un des marchés les plus animés de Managua, avait des airs de quartier fantôme.
"Aujourd'hui, personne ne travaille", a assuré Carlos Sánchez, vendeur de chewing-gums ambulant de 58 ans, qui espère que la grève permettra de faire plier le régime d'Ortega et de trouver une issue à la crise.
Ce débrayage national de 24 heures a été lancé par l'Alliance citoyenne pour la justice et la démocratie - un regroupement d'étudiants, de chefs d'entreprise et de représentants de la société civile -, alors que les manifestations ne cessent de prendre de l'ampleur.
"Ca suffit!"
Tout en soutenant la grève, "expression de protestation pacifique", l'influente Eglise catholique, qui s'est posée en médiatrice du conflit, a pressé le gouvernement et l'opposition de renouer le dialogue.
Les évêques ont convoqué les deux camps à une réunion de concertation vendredi, où ils présenteront la réponse de l'ancien guérillero de 72 ans à leur proposition de réformes de la vie politique.
Après un premier passage de 1979 à 1990, Daniel Ortega est à la tête du pays depuis 2007 et son troisième mandat lui permet de se maintenir au pouvoir encore trois ans.
Trop long, estiment les manifestants qui réclament son départ, l'organisation anticipée de l'élection présidentielle prévue fin 2021 et des réformes constitutionnelles.
"Ca suffit. Nous voulons tous la paix, nous voulons dépasser ces circonstances dures, douloureuses, tragiques. Nous voulons trouver les possibilités de tracer un chemin vers l'avant à la table de négociations", a répliqué mercredi soir sur les médias officiels l'épouse de Daniel Ortega, Rosario Murillo, vice-présidente du pays et autre bête noire des manifestants.
"Guerre civile larvée"
Traversé par une profonde crise économique et sociale, le pays a connu un regain de violences depuis lundi après que les forces de sécurité ont tenté de démanteler de force les barricades dressées sur les routes du pays.
Armés de frondes et de mortiers artisanaux face aux fusils des policiers anti-émeutes, les manifestants ont bloqué en plusieurs points les axes routiers, paralysant des milliers de camions et désorganisant l'approvisionnement du pays.
Ces blocages ont miné la fragile économie nationale, avec un coût qui pourrait atteindre plus de 900 millions de dollars si le conflit se prolongeait, selon la Fondation nicaraguayenne pour le développement social et économique (Funides).
Après l'avoir longtemps soutenu, les milieux d'affaires ont coupé les ponts avec le président Ortega, lui reprochant sa violente répression des manifestations.
Face à la force déployée par les policiers anti-émeute et des milices paramilitaires pro-Ortega, certains manifestants commencent à envisager de prendre les armes, alors que le mouvement se voulait jusqu'ici pacifique.
"Pour moi, ce qui se passe est une guerre civile larvée", a déclaré un responsable étudiant surnommé "El Gato" (Le Chat), retranché depuis plus d'un mois avec des centaines d'autres dans l'Université de Managua, transformée en bunker.
"La plupart d'entre nous ne veulent pas l'envisager, mais personnellement je pense que le moment va arriver où nous allons devoir nous armer pour être à égalité avec eux" (les forces de sécurité), ajoute-t-il. "Je crois que ce combat est juste".
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