Le "oui" au projet de loi l'a emporté par 129 voix, contre 125, au terme de 22 heures de discussions, au cours desquelles les divisions entre partis se sont effacées pour laisser place à un débat passionné.
Le vote est historique en Argentine, où l'Eglise a mis toutes ses forces dans la bataille pour mettre en échec le projet de loi. Les évêques se sont mobilisés pour tenter de convaincre les parlementaires de ne pas voter la loi, allant même jusqu'à les menacer d'excommunication.
A l'annonce des résultats du vote des députés, une clameur, des cris de joie ont retenti sur la place du Congrès de Buenos Aires.
Micaela Gonzalez, une étudiante de 19 ans enveloppée dans une couverture, a passé la nuit devant le parlement. "Cela fait des années qu'on lutte pour ce droit, ce vote montre que ça vaut la peine de continuer la lutte. Aujourd'hui, nous les femmes, nous sommes un petit peu plus libres, nous serons moins nombreuses à mourir", a confié la jeune femme, les larmes aux yeux.
Aujourd'hui, les Argentines ne peuvent avorter légalement qu'en cas de viol ou de danger pour la santé de la femme enceinte.
"C'est un moment historique dans l'histoire de l'Argentine", considère la sociologue de l'Université de Buenos Aires, Sol Prieto.
"Revers pour l'Eglise"
Le droit à l'avortement se concrétise tardivement en Argentine, dit-elle, "en raison d'une la culture politique qui attribue beaucoup de pouvoir à l'Eglise catholique et des pressions de l'Eglise".
Le vote du texte en première lecture est "un revers pour l'Eglise" et va créer "une dynamique parlementaire, qui aura une incidence", estime la sociologue pour qui l'adoption au sénat est "fortement probable".
Pour Maria Teresa Giani, 48 ans, le vote de mardi va décupler les forces du mouvement. "La mobilisation a été déterminante, juge-t-elle, et l'adoption au Sénat dépendra de la continuité de la mobilisation. Les jeunes qui sont la grande majorité ici ont compris que c'est comme ça qu'on fait valoir nos droits. Le projet de loi deviendra loi, il n'y a pas de retour en arrière" possible.
"C'est extraordinaire. Nous allons gagner, même si les sénateurs... ce sera difficile de les convaincre", a déclaré la députée du parti de gauche Libres du sud Victoria Donda, en sortant de l'hémicycle.
Dans une lettre, le pape François avait appelé les Argentins à rejeter la loi sur l'IVG.
"Ce pape est atypique, réformiste, toutefois c'est sûr qu'il n'est pas content aujourd'hui, mais l'Eglise ne légifère pas", ironise Maria Teresa Giani, 48 ans.
"C'est absurde et injuste d'approuver une loi autorisant à tuer des êtres humains qui doivent être respectés, dès leur conception", a pour sa part dénoncé Luis Pastori, un député de l'Union civique radicale (UCR, coalition gouvernementale Cambiemos).
Un autre député de Cambiemos Sebastián Bragagnolo affirme que "la femme n'a pas droit à l'avortement, elle a droit à la santé. L'enfant à naître est biologiquement et scientifiquement un être humain".
Paradoxe argentin
Des milliers de personnes avaient bravé le froid et passé la nuit de mercredi à jeudi devant le parlement. Les uns, avec un foulard vert, avaient l'espoir de vivre un jour historique. Les autres, les opposants au texte, priaient pour que le "non" l'emporte.
La lutte pour le droit à l'avortement a pris un nouvel élan ces dernières années, portée par le mouvement féministe #NiUnaMenos (pas une de moins), mobilisé contre les violences faites aux femmes.
Le mois dernier, la légalisation de l'avortement en Irlande - un autre pays à forte tradition catholique - avait donné encore plus d'espoir aux militantes argentines.
Dans la plupart des pays l'ayant légalisé, le mariage entre personnes du même sexe est arrivé des décennies après la légalisation de l'avortement. Mais l'Argentine, généralement à l'avant-garde en Amérique latine, a été le premier pays de la région à légaliser le mariage gay, en 2010, et à voter une loi permettant aux travestis de changer de sexe à l'état civil, sans opération de changement de sexe.
Et l'Eglise argentine avait déjà déchanté.
Légalisé en 1967 au Royaume-Uni, en 1975 en France, l'avortement est encore largement illégal en Amérique latine, sauf à Cuba (depuis 1965), en Uruguay (2012) et dans la ville de Mexico.
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