Cette hécatombe avait contribué à l'ouverture momentanée des frontières aux réfugiés désireux de rejoindre l'ouest de l'Europe. Son épilogue intervient alors que la question migratoire est revenue au centre des débats d'une UE de plus en plus divisée après les récents succès électoraux de l'extrême droite en Autriche et en Italie notamment.
Le navire humanitaire Aquarius et les deux bateaux qui l'accompagnent avec 629 migrants à leur bord se trouvaient ainsi toujours en mer Méditerranée jeudi, après le refus de l'Italie de laisser accoster le navire de l'ONG.
La chancelière allemande Angela Merkel, qui avait ouvert les portes de son pays aux réfugiés syriens quelques jours après le drame du "camion charnier", est de son côté mise sous pression par l'aile la plus conservatrice de son camp, ses alliés de la CSU voulant former avec Vienne et Rome un "axe" antimigration.
Les 71 victimes -59 hommes, huit femmes et quatre enfants, dont un bébé--, originaires de Syrie, d'Irak et d'Afghanistan, avaient péri après avoir été pris en charge près de la frontière serbe en Hongrie le 26 août 2015, espérant rejoindre l'Allemagne lors de la crise migratoire qui avait mis des centaines de milliers d'exilés sur les routes.
Entassées sur 14 mètres carrés dans le compartiment hermétiquement clos du véhicule, les passagers étaient morts d'étouffement en moins de trois heures, leurs convoyeurs ayant refusé de s'arrêter pour les laisser accéder à de l'air frais, malgré leurs cris de détresse.
"Laissez-les mourir"
Accusés d'"homicides avec circonstance aggravante de cruauté particulière", le chef du réseau, un Afghan de 31 ans, ses deux seconds et le chauffeur du convoi mortel, tout trois Bulgares, ont écopé jeudi de 25 ans de réclusion, après un an de procès à Kecskemét, dans le sud de la Hongrie.
Le procureur Gabor Schmidt, qui avait requis la perpétuité contre ces quatre hommes, incompressible pour trois d'entre eux, a immédiatement fait appel du verdict, estimant que celui-ci "ne reflète pas suffisamment les conditions du crime".
Les dix autres accusés, majoritairement de nationalité bulgare et dont trois sont en fuite, ont été condamnés à des peines allant de trois à douze ans de prison.
Les principaux mis en cause, qui ont tous assuré n'avoir pas su que les passagers agonisaient, malgré des preuves accablantes, ont eux aussi annoncé faire appel.
Le chef du réseau, Samsoor Lahoo, un Afghan au visage fin, a notamment assuré n'avoir "voulu la mort de personne".
Mais les écoutes téléphoniques réalisées par la police hongroise ne laissent pas de place au doute, selon l'accusation: alerté par ses hommes sur le fait que les migrants suffoquaient et criaient pour qu'on leur donne de l'air, il avait interdit que soit entrouvert le compartiment frigorifique.
"Qu'il les laisse plutôt mourir. C'est un ordre", avait intimé Samsoor Lahoo à son adjoint. "S'ils meurent, qu'il les décharge dans une forêt en Allemagne", avait-il aussi déclaré.
Hécatombe
Confronté à ces enregistrements, l'intéressé s'est contenté d'évoquer des "propos irréfléchis".
Mais pour le procureur Gabor Schmidt, c'est une "indifférence effroyable et une cupidité sans limite" qui l'ont guidé: en pleine vague migratoire, les transports clandestins du réseau, facturés jusqu'à "3.500 euros" par personne, se succédaient à rythme soutenu et ne devaient souffrir aucun contretemps.
Les victimes avaient succombé alors que le véhicule se trouvait encore sur le territoire hongrois. Le camion avait ensuite été abandonné près de la localité autrichienne de Parndorf, non loin de la frontière.
Le drame n'avait pas empêché le réseau d'organiser dès le lendemain un nouveau transport dans des conditions similaires. Une nouvelle hécatombe n'avait été évitée que parce que les 67 passagers avaient réussi à défoncer la porte du compartiment.
Les corps des victimes ont pu tous, sauf un, être identifiés. La majorité d'entre eux ont été rendus à leurs proches, qui n'ont pas assisté au procès ; les autres ont été enterrés à Vienne.
"Les derniers mots que Hussein m'a dit avant de partir, c'était une promesse: +Dans quelques années je ramènerai mon doctorat et je le mettrai dans les mains de Maman+. La nouvelle de sa mort a été incroyablement douloureuse. Ça a été une terrible catastrophe", a témoigné Gihad Darwish, reporter d'images pour l'AFP en Syrie, qui a perdu dans ce drame deux beaux-frères et des amis.
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