La session a débuté mercredi vers 14h30 GMT, dans une ambiance tendue tant le débat est passionné. Si le texte est adopté jeudi, il devra encore être approuvé par le Sénat avant d'acquérir force de loi.
Le texte soumis aux suffrages des 257 députés autorise l'IVG pendant les 14 premières semaines de grossesse.
Mercredi soir, des dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées à Buenos Aires devant le Congrès. Les partisans du projet de loi d'un côté de la place, les opposants de l'autre.
Elsa Bonifacio, 72 ans, est là "pour accompagner ses petites filles, pour la dépénalisation de l'avortement, pour que nous ayons toutes le contrôle de notre corps, que nous puissions décider ce que nous voulons faire".
A quelques centaines de mètres, ceux qui rejettent le droit à l'avortement invoquent "la défense des deux vies". "Nous les groupes pro-vie, je pense que nous sommes les plus nombreux, car nous représentons la majorité de la population", estime un des dirigeants du mouvement, Raul Magnasco.
Selon les instituts de sondage, l'opinion publique est majoritairement favorable à la légalisation de l'avortement. Mais dans l'hémicycle, les députés ayant annoncé leur intention de voter "non" sont 126, alors qu'ils ne sont pour l'instant que 123 en faveur du "oui".
Députés indécis
La dizaine de parlementaires indécis, qui réservent leur position, fera la différence.
Aujourd'hui, les Argentines ne peuvent avorter légalement qu'en cas de viol ou de danger pour la santé de la femme enceinte.
"C'est une question de santé publique. Nous avons eu (ces dernières années) trois ministres de la santé, avec des opinions politiques différentes, mais ils sont d'accord sur un point: la légalisation de l'avortement apporterait une amélioration de l'accès aux soins des femmes", a déclaré le député de la coalition gouvernementale Cambiemos, Daniel Lipovetzky.
Le député UCR (Union civique radicale, centre, coalition gouvernementale Cambiemos), Hugo Goicoechea, est pour sa part opposé au texte. "Au-delà des bonnes intentions, (le projet de loi) va à l'encontre de l'ordre biologique, biomédical, juridique et historique de la nation", a-t-il dit devant ses pairs.
La vice-présidente argentine Gabriela Michetti s'est engagée contre la loi sur la ligne du "droit à la vie". "Être en faveur de la vie est beaucoup plus progressiste et respectueux", dit-elle.
Plutôt que d'avorter, plaide-t-elle, "si une femme ne veut pas être mère, quel que soit le motif, elle peut confier l'enfant à l'adoption".
Dans le sillage du mouvement féministe #NiUnaMenos (pas une de moins), mobilisé contre les violences faites aux femmes, la mobilisation pour la légalisation de l'IVG s'est accentuée au fil des mois. Et la légalisation de l'avortement en Irlande - un autre pays à forte tradition catholique - donne de l'espoir aux Argentines.
Menaces d'excommunication
Cet élan se heurte toutefois à la résistance historique des autorités religieuses, dans le pays du pape François. En Pologne, pays de Jean Paul II, l'avortement n'est pas légalisé.
Les partisans de la loi arborent un foulard vert avec l'inscription: "éducation sexuelle pour décider, contraceptifs pour ne pas avorter, avortement légal pour ne pas mourir".
Le pape François dit ne pas vouloir se mêler des affaires de pays souverains mais quand il s'agit d'avortement, il fait une entorse à ses principes. Il a adressé une carte aux catholiques argentins, les appelant à se mobiliser contre le projet de loi.
"L'Eglise est à la manoeuvre, les évêques envoient des lettres aux parlementaires indécis, menacent de les excommunier, exercent une influence sur les médias. C'est un pouvoir pas tellement visible mais il mobilise des ressources et des lobbys", observe la sociologue Sol Prieto.
La première victoire pour les partisans du droit à l'avortement, c'est que le débat puisse avoir lieu au Parlement, une première dans un pays de 41 millions d'habitants parfois à l'avant-garde. En 2010, l'Argentine à été le premier pays d'Amérique latine à légaliser le mariage gay.
Le président de centre-droit Mauricio Macri se dit, à titre personnel, hostile à l'avortement, mais c'est lui qui a permis que le débat ait lieu au parlement.
Légalisé au Royaume-Uni en 1967, en France en 1975, l'avortement reste illégal dans la plupart des pays d'Amérique latine, sauf en Uruguay (2012), à Cuba (1965) et dans la ville de Mexico.
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