Julien est né en 2002 à Perpignan, dans le sud de la France. "C'était un petit bébé, il n'était pas hors norme, mais il ne grandissait pas bien, mangeait peu et pleurait beaucoup", se rappelle sa mère, Mélanie Ferrer.
Une première série de radiographies montre que les os du nourrisson sont "translucides". Les médecins sont dubitatifs. Désemparés, John et Mélanie Ferrer rencontrent des spécialistes. La nouvelle arrive quelques jours plus tard: "On a reçu un courrier qui nous expliquait que notre bébé de cinq mois avait une maladie génétique qui s'appelait l'hypophosphatasie. Point", raconte la mère. Il est alors l'un des 8 cas recensés en France.
Le couple cherche des informations sur le web, "la pire chose à faire" car, dit-elle à l'AFP, "on découvre que si la maladie se déclare avant les 18 mois de l'enfant, généralement il ne survit pas".
Mais le petit Julien survit malgré les handicaps liés à cette maladie orpheline qui entrave le développement osseux.
Les parents remuent ciel et terre, aménagent le quotidien de leur fils, lui permettent de socialiser avec des enfants de son âge, de se déplacer dans un fauteuil adapté.
Ils contactent des personnes atteintes d'hypophosphatasie (HPP) pour créer une association soutenant la recherche sur cette maladie. Deviennent experts en collecte de fonds. Participent même à l'organisation du premier symposium international sur l'HPP, en 2008.
L'espoir renaît
C'est un tournant: des chercheurs canadiens leur annoncent lors de ce symposium le lancement d'une étude clinique. John Ferrer se souvient d'être resté "bouche bée". Un coup de fil après des semaines d'attente apprend au couple que Julien figure sur la liste des cas prioritaires de l'étude.
Elle sera menée à Winnipeg, dans la province du Manitoba (centre du Canada) et la famille Ferrer a 15 jours pour s'organiser. Elle s'envole quelques jours avant Noël 2009.
C'est au Manitoba que les cas d'hypophosphatasie sont les plus fréquents, tous pays confondus, en raison de la colonisation européenne, relève le Dr Cheryl Greenberg, une généticienne émérite de l'université du Manitoba qui dirige l'étude expérimentale.
Les communautés religieuses mennonites, majoritairement fondées par des colons allemands au début du XXe siècle, possèdent "plus fréquemment le gêne" défectueux de cette maladie: une personne sur 25.000 le porte, contre une sur 100.000 en moyenne dans le monde, explique-t-elle à l'AFP à l'Hôpital pour enfants de Winnipeg.
Julien Ferrer y reçoit le 25 janvier 2010 sa première piqûre. Le traitement expérimental fournit à l'organisme malade les enzymes qui n'étaient pas sécrétées naturellement et dont l'absence empêchait une bonne croissance.
"A Pâques, il marchait", se rappelle sa maman, les yeux encore écarquillés par ce souvenir des premiers pas. Son fils avait 7 ans.
Nouvelle vie
Pour les Ferrer commence une nouvelle vie à Winnipeg, rythmée par les séances de traitement à l'hôpital.
Dans la ville, ils explorent les quartiers francophones et prennent leurs marques.
Quand la première phase d'expérimentation s'achève, six mois plus tard, les Ferrer regagnent la France avec l'obligation de revenir chaque trimestre à Winnipeg pour le traitement et le suivi de Julien.
Ils décident en 2012 d'émigrer au Canada, comme le font environ 8.000 Français chaque année. En raison du traitement de leur fils et de l'accès aux médecins ainsi facilité, mais aussi parce que "le Canada a une certaine avancée sur l'intégration des personnes en situation de handicap, que la France n'a pas encore", explique Mélanie Ferrer.
"Il a fallu refaire notre vie, repartir de zéro. On avait 33 ans", se rappelle cette femme qui, comme son époux, a conservé son accent catalan de Perpignan.
Tous deux travaillent à l'université de langue française de Winnipeg et ont élu résidence dans un pavillon typique des banlieues nord-américaines.
Leur combat contre l'HPP a porté ses fruits: à 15 ans, Julien va au collège normalement et rêve d'un avenir dans le théâtre ou les jeux vidéos.
"J'aime créer des trucs, des histoires ou des personnages", explique l'adolescent, qui reçoit trois injections de médicament par semaine. Un traitement à vie.
"Il avait une forme grave d'HPP", souligne Cheryl Greenberg. "Mais il a très bien réagi au traitement, à tel point que ses os semblent maintenant quasi normaux."
Le médicament expérimental a été autorisé à la vente au Canada fin 2017 et est pris en charge par la sécurité sociale en France depuis janvier.
Pour les parents, la guérison de Julien est "un miracle".
Cartésienne, le Dr Greenberg nuance: "Ce qui est miraculeux avec l'hypophosphatasie, c'est d'avoir réussi à transformer des cas mortels en cas guérissables. Cela arrive très rarement".
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