La situation devrait se durcir encore, l'opposition ayant appelé mardi soir à une grève générale pour jeudi.
"Ce sera une grève civique et pacifique qui touchera tout le pays et toutes les activités économiques", a indiqué mardi l'Alliance citoyenne pour la justice et la démocratie, qui regroupe des étudiants, des chefs d'entreprise et des représentants de la société civile.
"Nous exhortons tous les chefs d'entreprises, petites ou moyennes, ainsi que les professionnels et travailleurs indépendants à fermer leurs établissements", demande le communiqué appelant à cette grève.
Dès le lever du jour mardi, des fusillades nourries ont éclaté en divers points de Managua ainsi que dans les villes voisines d'El Crucero et Jinotepe, au sud de la capitale. Cette dernière était largement désertée mardi, les habitants craignant d'être pris entre deux feux.
A Jinotepe, à 56 km de Managua, des milices pro-gouvernementales ont attaqué les manifestants retranchés sur leurs barricades, a raconté à la presse le prêtre Juan García. Il a sonné les cloches de l'église pour alerter la population, sortie en brandissant des bâtons ou des poêles et en soufflant dans des sifflets pour soutenir les étudiants, a-t-il ajouté.
"Ces groupes armés de (fusils) AK ou Galil tirent sur les gens, il y a des impacts de balles sur les murs des maisons", s'est-il indigné. "Il y a eu plusieurs blessés parmi les jeunes (manifestants) et un mort côté milice, touché par une balle tirée par l'un de ses compagnons".
Au moins quatre personnes ont été tuées depuis lundi, portant le bilan à 148 morts et 1.000 blessés depuis le début des manifestations, le 18 avril, selon le Centre nicaraguayen des droits de l'homme (Cenidh).
Traversé par une profonde crise économique et sociale, le pays a connu un regain de violences ces dernières 24 heures après que les forces de sécurité ont tenté de démanteler les barricades dressées sur plusieurs routes du pays.
Armés de frondes et de mortiers artisanaux face aux fusils des policiers anti-émeutes, les manifestants ont bloqué en plusieurs points les axes routiers, paralysant largement l'approvisionnement du pays. Des milliers de camions sont bloqués et la population des villes les plus touchées a commencé à faire des stocks par crainte de pénuries.
Ortega muet
Outre son appel à la grève, l'opposition exige également du président Ortega "une réponse immédiate" aux évêques catholiques qui tentent, depuis plusieurs semaines, de jouer les médiateurs.
Ils ont présenté jeudi au président, dont les manifestants demandent le départ, une proposition de démocratisation du pays. Il n'y avait toujours pas répondu mardi, au grand dam des pays voisins, soucieux de l'impact de la crise sur l'économie régionale.
Se disant "profondément préoccupé" par la situation, le Mexique a ainsi appelé à "l'arrêt immédiat des violences" et encouragé les deux camps à reprendre le dialogue sous l'égide de l'épiscopat.
Une tentative de médiation américaine, menée samedi par un représentant du sénateur républicain Bob Corker et révelée mardi par l'ambassade des Etats-Unis à Managua, n'a pas été suivie d'effet.
A la tête du pays depuis 2007 après un premier mandat de 1979 à 1990, l'ancien guérilléro Daniel Ortega est accusé par ses détracteurs de brider les libertés et de confisquer le pouvoir. De son côté, le dirigeant sandiniste dénonce une "conspiration de l'opposition" visant à le renverser.
Les deux mois de crise ont donné un coup de frein à l'économie, menacée de voir sa croissance amputée d'un point en 2018, selon le Conseil pour le développement entreprenarial (Copade).
Mardi, la ville de León, à 90 kilomètres au nord-est de Managua, a ainsi décrété une grève pour protester contre la "répression". Les rues étaient désertes, les commerces et les banques fermés, les transports publics interrompus et les habitants sont restés chez eux, portes closes, selon des images diffusées à la télévision.
"Le temps est compté pour Daniel Ortega", a estimé Aníbal Toruño, directeur de la radio locale Darío, incendiée par des militants pro-gouvernementaux en avril.
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