Financée par des dons privés et regardée par les responsables européens d'un oeil au mieux indifférent, au pire hostile, SOS Méditerranée a vu depuis ce week-end ses craintes se concrétiser.
Pour la première fois depuis son départ de Marseille en février 2016, le patrouilleur à coque orange vif s'est vu interdire de débarquer en Italie, contré par le nouveau gouvernement auquel participe la Ligue (extrême-droite). Les 629 migrants à bord devront faire 1.500 km de plus pour rejoindre Valence en Espagne.
Pour autant, l'ONG n'entend pas renoncer à ses sauvetages, qu'elle mène "en application du droit maritime international" et en vertu du "devoir d'assistance" aux personnes en péril. "Il faut absolument que les États européens discutent entre eux pour trouver des solutions acceptables", souligne sa directrice générale, Sophie Beau.
Les frictions avec les autorités ne sont pas une nouveauté: à l'instar d'autres ONG qui ont affrété de plus petites embarcations de secours, SeaWatch, Seafuchs ou encore Open Arms, SOS Méditerranée affirme être de plus en plus entravée dans ses opérations.
La situation a commencé à se tendre en 2017, quand les garde-côtes libyens, formés par l'UE, ont repoussé les ONG plus au large de leurs côtes.
L'Aquarius peut accueillir en théorie 500 personnes. Un chiffre que les circonstances amènent régulièrement à dépasser. Depuis le début 2018, 2.350 personnes ont été secourues par l'ONG, trois fois moins qu'un an plus tôt, en raison également de la météo.
"Les sauvetages sont de plus en plus compliqués, de plus en plus ralentis, avec beaucoup de confusion", témoigne Nick Romaniuk, qui les coordonne. "Chaque interaction avec les Libyens est très tendue", dit-il.
"Ligne rouge"
L'entrée en fonction du gouvernement italien avait été anticipée, le patron de la Ligue, et désormais ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, ayant promis qu'il ferait tout pour empêcher les débarquements.
"Nous avons une ligne rouge: nous sommes une organisation citoyenne qui respectons l'autorité, sauf si un jour on nous demande de ramener les réfugiés dans l'enfer libyen", affirmait vendredi, avant la crise, le président de l'association, Philippe Vallat.
Malgré tout, l'association entend rester fidèle à sa "promesse, celle de sauver des gens", énoncée par son fondateur, Klaus Vogel, un marin allemand au long cours, qui a su réunir une équipe en Allemagne, en France et en Italie. Aujourd'hui 140 sauveteurs de 18 nationalités se relaient à bord.
"Ce qui est fou, c'est de ne rien faire" face à la détresse des migrants en mer, affirmait en 2015 M. Vogel à l'AFP, sur le Vieux-Port de Marseille, alors que l'initiative n'existait encore que sur le papier.
A l'époque, l'ONG entendait pallier l'abandon de l'opération Mare Nostrum de la marine italienne. Mais au fil des années et des sauvetages, les humanitaires sont pointés du doigt par des responsables européens, dont certains les accusent d'avoir créé un "appel d'air", voire d'être "complices" des passeurs.
"Ces gens ne partent pas en quête d'un eldorado, ils fuient un enfer" en Libye, où ils sont battus, violés ou privés de nourriture, rétorque Philippe Vallat, pour qui la Méditerranée est devenue "un charnier de corps sans sépultures".
Pour résister aux pressions, l'association, qui compte à plus de 90% sur des dons privés pour les 11.000 euros nécessaires par jour de mer, table sur l'indignation des citoyens européens.
"Les gens sont prêts à accueillir beaucoup plus que ne le pensent nos responsables politiques, qui jouent petit bras", soulignait juste avant la crise l'écrivain français Daniel Pennac, lors d'un évènement de soutien à Marseille.
SOS Méditerranée a également reçu un coup de projecteur inattendu grâce au duo pop Madame Monsieur, auteur d'une chanson qui a représenté la France à l'Eurovision. Son thème : la naissance de Mercy, un des 36 bébés à avoir vu le jour à bord.
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