A la réouverture du Bataclan, un an après l'attentat, les patrons avaient clamé leur intention de ne pas faire un "mausolée" de cette salle réputée pour ses concerts rock, pop et rap.
"Notre métier c'est d'amener de la musique, des concerts, des spectacles. C'eut été un abandon de ne pas revenir sur la scène. Cela revenait à la tuer deux fois", avait souligné son codirecteur Jules Frutos, alors que quelques artistes, comme Francis Cabrel ou Nicola Sirkis, avaient fait part de l'impossibilité pour eux d'aller y rejouer. Le leader d'Indochine avait notamment jugé "ignoble de rouvrir cette salle", estimant qu'il fallait "en faire un sanctuaire, un monument".
Depuis la réouverture, la programmation n'avait pas suscité de polémique, jusqu'à l'annonce des concerts de Médine, à qui sont reprochés les paroles d'anciennes chansons comme "Jihad" (2005) ou "Don't Laïk". Dans ce dernier morceau sorti en janvier 2015, une semaine avant l'attentat de Charlie Hebdo, le rappeur havrais s'attaquait à la laïcité avec des punchlines comme "Crucifions les laïcards comme à Golgotha".
Pétition et tweets
L'annulation des deux concerts, prévus en octobre, a d'abord été réclamée via une pétition lancée par Grégory Roose, ex-délégué départemental du FN dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Une demande relayée ce week-end par des élus de droite et d'extrême droite. "Sacrilège pour les victimes, déshonneur pour la France", s'est offusqué sur Twitter le président des Républicains, Laurent Wauquiez. "Aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan", a écrit la présidente du Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen.
Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a appelé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, toujours sur Twitter, à "utiliser contre ce rappeur les mêmes armes que celles utilisées contre Dieudonné" pour interdire ses concerts.
Pour eux, le rappeur de 35 ans ne peut exprimer ses paroles dans une salle visée par un attentat jihadiste. Ses autres concerts n'ont pas suscité de tel tollé.
"Libre de sa programmation"
Life for Paris, l'association de victimes des attentats du 13 novembre 2015, est venu à la rescousse du Bataclan en soulignant que la salle "a aussi été victime des attentats et qu'elle est complètement libre de sa programmation, sous contrôle de la préfecture de police de Paris".
"Notre association n'est pas un organe de censure, elle est et restera apolitique et ne laissera personne instrumentaliser la mémoire des victimes des attentats à des fins politiciennes, comme c'est le cas dans cette affaire", ajoute le collectif qui regroupe plus de 700 victimes.
"Une telle interdiction offrirait une formidable occasion à ce rappeur de s'ériger en victime de la censure", a argué pour sa part le mouvement laïque Printemps républicain, tout en interpellant les programmateurs: "Nous nous interrogeons néanmoins sur la responsabilité de la direction de la salle [...] Dans un tel lieu de mémoire, la logique purement commerciale ne peut s'imposer, seule, quant au choix des artistes invités à se produire sur scène".
Lundi, le premier secrétaire du PS en a lui appelé au rappeur lui-même: Olivier Faure a estimé sur franceinfo que "peut-être Médine devrait se poser la question de savoir si sa présence dans ce lieu qui est devenu hautement symbolique ne justifierait pas une prise de distance" par rapport à ces anciennes chansons.
L'an dernier, lors d'un séminaire consacré au rap à l'Ecole normale supérieure, le rappeur d'origine algérienne avait reconnu avoir "eu la sensation d'être allé trop loin" avec le titre "Don't Laïk". Des regrets qu'ils devraient renouveler "plus fort", selon M. Faure.
Médine, qui clame dans son dernier album son souhait "de jouer au Bataclan", n'a pour sa part pas réagi.
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