Meyer, 17 ans, visage poupin, ne ressemble décidément pas aux sumotori japonais, dont le poids tourne autour des 150 kg et peut monter jusqu'à 260 kg. "Je ne mange pas n'importe quoi. Je mange beaucoup de viande, mais pas que pour le sumo, c'est aussi pour moi, pour être plus musclé", prévient le lycéen.
De fait, le gymnase où les amateurs du Paris-Sumo se réunissent chaque dimanche ne voit défiler aucune carrure digne d'un "dohyo" tokyoïte -- le "ring" où se déroulent les luttes. D'ailleurs, pour Antoine Marvier, fondateur et entraîneur du club, "le principal c'est l'équilibre".
"Il faut être dans la meilleure position possible avec un centre d'inertie très bas, entre les pieds", dit-il.
Si les lutteurs qui évoluent au Japon s'échinent à ingurgiter des calories, "c'est parce qu'il n'y a pas de catégorie de poids", à la différence de la boxe ou du judo, explique l'entraîneur. "Si vous faites un sport sans catégorie de poids, comme le sumo, les plus lourds vont dominer".
Professeur de judo (ceinture noire, 2e dan), il s'est lancé dans le sumo, pour "sa générosité, sa simplicité". "J'aime le côté ludique. Dans les arts martiaux, j'ai du mal avec le côté psychorigide", dit-il.
Johann, lui, a découvert le sumo grâce à un manga, "où il y avait un personnage tout petit qui faisait du sumo. Même si c'est un manga, je me suis dit +pourquoi pas moi+?".
"Tartines beurrées"
C'est peu dire que la pratique du sumo est confidentielle en France: le Paris-Sumo compte... 18 adhérents et aucune ligue, très loin du judo et ses 600.000 licenciés. Et dans la sphère publique, seul Jacques Chirac fait figure d'aficionado.
Les règles sont d'une simplicité désarmante. Sur le "dohyo", les deux sumotori se font face au milieu d'un cercle de 4,55 m de diamètre. Pour l'emporter, il faut précipiter l'adversaire hors du cercle ou lui faire toucher le sol avec une autre partie du corps que la plante des pieds. Les combats sont généralement très courts, une trentaine de secondes tout au plus.
Henri, un religieux catholique qui pratique depuis peu le sumo, aime justement cette "simplicité".
"C'est pas violent dans le sens où c'est très symbolique (...). Il n'y a pas de technique secrète, ésotérique", s'amuse ce géant de 2 mètres et 125 kilos, qui dit avoir "moins de scrupules à prendre des tartines beurrées".
"Je ne suis jamais allé en Asie, mais c'est une façon d'être qui m'oriente tous les jours, entre le stoïcisme et le bouddhisme", renchérit Johann, serrurier et membre du club Paris-Sumo depuis ses débuts, il y a huit ans.
"On est pudique"
Sur le "dohyo", beaucoup de coups sont permis. On peut repousser l'adversaire des deux bras ou avec la tête, par exemple. Mais la prise la plus spectaculaire consiste à agripper l'adversaire des deux mains par le "mawashi", la ceinture, le soulever puis l'éjecter hors du cercle.
Le "mawashi" se présente sous la forme d'une bande en tissu passée autour du bassin et sous l'aine en serrant le plus possible. Au Japon, il se porte sans rien en dessous, mais "comme on est européens, on est pudique", plaide Henri, qui a gardé son slip tout comme Johann et Meyer.
Au tour d'Henri et de sa barbe fleurie d'affronter Johann et son tatouage dorsal de Bouddha.
D'ordinaire, le "dohyo" est fait en terre battue, mais les lutteurs du Paris-Sumo se contentent d'un tapis déplié sur un tatami qu'Antoine Marvier a demandé à un fabricant de bâches de camion de lui confectionner.
Entre une grimace d'effort et deux halètements, Johann empoigne Henri au niveau des côtes. "Ah non! On avait dit pas les bourrelets!", s'amuse Henri.
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