"Pas d'honneur pour les tueurs", "la musique adoucit les meurtres" ou "Marie Trintignant ne sera plus jamais applaudie", pouvait-on lire sur les banderoles de la quinzaine de manifestants installés à la sortie du métro, près du Zénith à Paris.
Certains brandissaient dans le calme des photos de l'actrice, morte sous les coups de son compagnon, devant les fans en route pour le concert.
Une initiative très médiatique lancé par l'association "Osez le féminisme", qui déplore la visibilité dont jouit l'artiste et dénonce un "positionnement cynique et révoltant" du Zénith.
Un appel similaire avait conduit l'Olympia à annuler les deux concerts de Cantat prévus le 29 et 30 mai, par crainte de "risques sérieux de troubles à l'ordre public".
"Cantat a-t-il le droit de chanter ?", s'interrogeait L'Obs en une ce jeudi, relayant une question qui poursuit le chanteur, reparti sur les routes en mars.
"A part la une des Inrocks, il ne fait quand même pas trop parler de lui. Il a le droit d'être là, et nous aussi on a le droit !", a estimé Gaelle, 40 ans, une fan de longue date.
"Je pars du principe que le droit à l'oubli c'est important. C'est son métier de chanter, c'est ça qu'on oublie", affirme Camille, 28 ans. Et le voir en concert "n'empêche pas d'être féministe", souligne la jeune fan.
Près de quinze ans après la mort de l'actrice à Vilnius, l'ex leader de Noir Désir, qui avait rempli les salles en 2014 avec son groupe Détroit, a vu la pression s'intensifier autour de sa tournée, la première en son nom propre.
Pas de festivals d'été
Les premiers concerts ont déchaîné les passions, avec manifestations devant les salles et invectives. A Grenoble mi-mars, il avait même été accueilli aux cris d'"assassin!". Face à cette mobilisation, Bertrand Cantat a renoncé aux festivals d'été.
Sur scène, le chanteur de 54 ans se montre sobre, se contentant de remercier le public.
Aucune information n'a été communiquée sur le nombre de billets vendus, mais à quelques instants du début du concert, le Zénith était environ rempli à moitié, a estimé un journaliste de l'AFP sur place.
"Je n'ai aucune raison juridique d'empêcher Bertrand Cantat de chanter", explique pour sa part Daniel Colling, le patron du Zénith.
"C'est un monsieur qui a fait un acte condamnable, qui a été condamné, qui a fait de la prison", ajoute celui qui, en tant que responsable du Printemps de Bourges, avait programmé le rappeur Orelsan en 2009 quand d'autres festivals y avaient renoncé en raison d'une polémique sur des textes jugés misogynes.
Concerts jusqu'en décembre
Bertrand Cantat a été condamné à huit ans de prison en Lituanie pour coups mortels sur Marie Trintignant. Transféré en France, il a été libéré en 2007 après avoir purgé plus de la moitié de sa peine.
Icône rock française des années 1990, le chanteur bordelais a progressivement repris son activité publique à partir de 2010, avec un album et une tournée avec Détroit suivi de la sortie, en décembre dernier, de son premier album solo "Amor Fati".
La promotion du disque s'est faite sur fond de polémique à la suite d'une couverture des Inrocks consacrée au chanteur en octobre, en pleine tempête Weinstein.
Une "une" dont Cantat s'est excusé dans une lettre publiée sur Facebook. Dans ce texte, il évoquait aussi son "droit à la réinsertion" et le "droit à exercer (son) métier", tout en "renouvelant" sa "compassion" à la famille et aux proches de Marie" Trintignant.
La justice bordelaise a confirmé cette semaine effectuer de nouvelles vérifications sur un autre dossier, le suicide de son ex-femme en 2010, tout en précisant que cela ne devrait pas "remettre en question" les premières conclusions qui avaient mis hors de cause le chanteur.
Sa tournée se poursuivra samedi à Lille et dimanche à Bruxelles, avant deux concerts fin décembre à Pau puis à Bordeaux.
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