Sur l'esplanade des Invalides, à Paris, rassemblés autour d'une quinzaine de ruches et de cercueils, des apiculteurs venus d'Ile-de-France, de Bretagne et de Dordogne, ont rendu un dernier hommage symbolique à leurs essaims qui n'ont pas passé l'hiver.
"Il faut sauver l'apiculture nationale et faire cesser l'hécatombe", a réclamé François Le Dudal, jeune apiculteur en Bretagne. "Du coeur, du courage et au boulot à présent!", a-t-il exhorté lors de cette fausse cérémonie funèbre où des apiculteurs avaient revêtus leur tenue de travail, combinaison blanche, chapeau de protection, enfumoir.
"Il faut arrêter de tergiverser, car aujourd'hui, ça a pris de telles proportions que dans certaines régions l'apiculture n'est plus viable", a indiqué à l'AFP Gilles Lanio, président de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf).
Depuis plusieurs années, les apiculteurs subissent des pertes moyennes de 30% de leurs cheptels en hiver, selon lui. "Aujourd'hui, on a franchi un cap supplémentaire", avec des taux de mortalité pouvant grimper à 40, 50 voire 80%, s'est-il alarmé.
"J'avais six ruches il y a encore deux ans, l'an dernier je n'en avais plus que deux et aujourd'hui zéro", a témoigné Julien, apiculteur amateur dans la Drôme, venu manifester à Lyon devant la préfecture du Rhône.
Il a déploré "la mort en silence des colonies pendant l'hiver". "Mon grand-père a fait de l'apiculture pendant 30 ans et aujourd'hui il a renoncé", dit-il.
"On est la seule profession agricole à ne pas recevoir d'aides", a déploré pour sa part Olivier Fernandez, président du syndicat des apiculteurs Midi-Pyrénées, présent à un rassemblement à Toulouse.
"Votre meilleur médiateur"
Cette activité souffre depuis plusieurs années: le nombre d'apiculteurs - amateurs et professionnels confondus - étaient de 85.000 en 1995, contre 70.000 (dont 2.000 professionnels) en 2017 et la production de miel a été divisée par trois, à un peu plus de 10.000 tonnes par an.
Le frelon asiatique ou le varroa, un acarien parasite, sont autant de menaces qui pèsent sur les abeilles. Mais le plus gros danger vient des néonicotinoïdes, ces insecticides utilisés pour enrober des semences, qui s'attaquent au système nerveux des insectes, désorientent et affaiblissent les abeilles et autres pollinisateurs.
Avant l'introduction dans les champs de ces substances au milieu des années 1990, les mortalités d'abeilles n'étaient que de l'ordre de 5%, souligne l'Unaf. Avec les taux de pertes actuels, des apiculteurs risquent de mettre la clé sous la porte, s'alarme leurs représentants.
La profession n'a pas toutefois encore chiffré précisément ses pertes. Invité surprise de la manifestation parisienne, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot les a invités à le faire au plus vite, pour pouvoir identifier "les mesures d'urgence" à prendre.
"Je ne veux plus qu'on diffère ces sujets (...). Je veux être votre meilleur médiateur et ambassadeur", a-t-il promis, alors que les apiculteurs se sentent peu écoutés par le ministère de l'Agriculture et en ont appelé directement à Emmanuel Macron.
La France et l'Union européenne ont commencé à agir contre les néonicotinoïdes. Paris a prévu de les interdire à partir du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles au cas par cas jusqu'au 1er juillet 2020.
Au niveau européen, trois néonicotinoïdes - clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride - ont vu leur usage limité, avant d'être interdits à toutes les cultures en plein champ et non plus seulement aux cultures sous serre.
Mais il ne s'agit pas de solution miracle, car les néonicotinoïdes persistent dans les eaux et les sols. Et le moratoire européen sur les trois substances a entraîné une plus grosse consommation en France d'une quatrième, le thiaclopride.
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