C'est la Commission des droits de l'Homme d'Irlande du Nord (NIHRC) qui avait demandé à la justice de dire si l'interdiction de l'IVG en cas de viol, d'inceste ou de malformation grave du foetus était compatible avec la CEDH incorporée dans le droit britannique.
Mais une majorité des sages a estimé qu'elle n'était pas habilitée à "engager une procédure (...) de cette nature", non fondée sur des cas particuliers de femmes victimes de la législation anti-IVG nord-irlandaise, l'une des plus restrictives et répressives d'Europe.
"La Cour pense que la Commission aurait dû représenter des cas particuliers de femmes victimes" de la loi nord-irlandaise, a souligné Ruth Fletcher, maître de conférences en droit médical à la Queen Mary University de Londres, interrogée par l'AFP.
Contrairement au reste du Royaume-Uni où il est autorisé depuis 1967, l'avortement est illégal en Irlande du Nord, province britannique à forte tradition chrétienne, sauf si la grossesse menace la vie de la mère. Les contrevenantes risquent une peine d'emprisonnement à vie, en vertu d'une loi datant de 1861.
Une majorité des sept juges a toutefois estimé que si la NIHRC avait été compétente, ils auraient jugé que la législation nord-irlandaise est "incompatible" avec la Convention européenne des droits de l'Homme en cas de viol, d'inceste et d'anomalie mortelle du foetus - mais pas en cas d'anomalie grave.
De quoi accroître la pression sur la Premier ministre britannique Theresa May, pressée par des députés de l'opposition comme de sa majorité de lancer une réforme.
"Une victoire"
Pour Ruth Fletcher, "ce n'est pas une conclusion contraignante (...) mais cela mettra la pression sur le Parlement pour agir".
"La Cour a dit que la loi nord-irlandaise était incompatible avec la législation britannique en matière de droits de l'Homme. C'est une victoire", s'est réjoui de son côté Andrew Copson, directeur de l'organisation Humanists UK, sur Twitter.
La décision de la plus haute juridiction du Royaume-Uni était très attendue, deux semaines après un référendum en République d'Irlande voisine où les électeurs se sont prononcés à 66,4% pour une libéralisation de l'IVG, un scrutin ayant ravivé les revendications en Irlande du Nord.
Le sujet est particulièrement délicat pour la cheffe de l'exécutif. Sa majorité parlementaire dépend du parti nord-irlandais DUP, protestant et farouchement anti-avortement, et elle compte sur son soutien pour faire passer son projet de loi très contesté sur le Brexit, qui revient devant la chambre des Communes le 12 juin.
Jusqu'ici, Mme May a soutenu que ce dossier était de l'unique compétence des responsables d'Irlande du Nord, bien que cette dernière soit engluée dans une crise politique depuis début 2017 et privée d'un exécutif décentralisé.
Mais le Parlement de Westminster, à Londres, entend bien gagner le bras de fer, arguant du fait qu'il reste compétent pour les questions relatives aux droits de l'Homme.
"La décision rendue aujourd'hui envoie un message très fort et très clair au gouvernement britannique", a estimé Andrew Copson. "Il ne peut attendre que l'assemblée nord-irlandaise se réunisse à nouveau et agisse peut-être: il doit maintenant agir lui-même", a-t-il insisté dans un communiqué.
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