Fin 2017, 36 nourrissons ont été atteints de salmonellose après avoir bu un lait infantile des marques Picot et Milumel produit dans son usine de Craon en Mayenne. Les causes de la maladie de deux autres nourrissons sont encore recherchées.
D'ordinaire, les processus de rappel/retrait de produits présentant des problèmes sanitaires sont communs dans l'Hexagone.
Mais dans ce cas précis, le processus de retrait s'est révélé chaotique et la révélation de nombreux dysfonctionnements ayant mené à la contamination a donné lieu à l'ouverture d'une enquête judiciaire. Elle a aussi convaincu les députés de créer une commission d'enquête parlementaire.
"Apprendre, pour deux des rappels, l'information par un communiqué de Bercy, c'est atypique, apprendre par un communiqué de Bercy la fermeture de l'usine de Craon, c'est atypique, (...) ne pas arriver à communiquer dans de bonnes conditions les motifs de retraits, c'est atypique", a ainsi détaillé le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, auditionné devant cette même commission fin mai.
Intermarché a assuré de son côté que le premier rappel de produits portait sur un risque de gastroentérite et non de salmonelles.
Et le patron de Lactalis, Emmanuel Besnier, a montré beaucoup de réticence à venir devant les parlementaires.
Michel Nalet, directeur de la communication de Lactalis, avait ainsi dû justifier son absence lors d'une première audition devant la commission des affaires économiques du Sénat en janvier. "Dans le contexte dans lequel nous sommes il n'a effectivement pas souhaité venir. Cela ne veut pas dire qu'il ne le fera pas dans le futur", avait-t-il déclaré.
changement de stratégie
Les avocats de Lactalis ont ensuite tenté fin avril d'obtenir l'interruption des travaux de la commission d'enquête parlementaire jusqu'à l'issue des procédures pénales en cours, assurant que cette commission "empiétait sur la procédure judiciaire en cours".
Interrogé par l'AFP, M. Nalet a admis que l'entreprise s'était "en effet posé la question il y a deux mois", mais que celle-ci n'était "plus d'actualité". "Je vous confirme qu'Emmanuel Besnier se rendra bien le jeudi 7 juin à l'Assemblée nationale", pour être entendu par cette commission, a-t-il dit.
M. Besnier sera entouré de Jean Claudel, directeur de la plateforme Lactalis logistique, Philippe Laborne, directeur industriel du groupe, d'Arnaud Boinard, directeur général de la division Lactalis nutrition Europe et de M. Nalet.
Ce changement de stratégie tardif laisse penser que l'entreprise s'est rendue compte de la mauvaise publicité que causait cette culture du secret.
"Cet aspect de discrétion nous a fortement pénalisés, c'est pour ça que depuis cette crise on a aussi changé, notre groupe doit évoluer vers un peu plus de communication", déclarait ainsi Emmanuel Besnier mardi sur RTL, lors de sa troisième interview depuis l'éclatement de l'affaire, après un entretien aux Echos et un autre au JDD.
Pour le PDG, accusé par l'association des victimes de les traiter avec mépris, "l'essentiel est de renouveler toutes nos excuses pour ce qu'il s'est passé, et faire comprendre qu'on a tiré tous les enseignements de cette crise, et qu'on a pris les mesures adéquates pour que ça ne puisse plus se reproduire".
Le site de Craon a redémarré discrètement fin mai, par des tests, avec l'objecif de reprendre la production "d'ici quelques semaines, dès cet été", selon M. Besnier.
L'association foodwatch a dénoncé "la précipitation dans la relance de la production de poudres de lait dans l'usine de Craon", alors que "l'enquête judiciaire préliminaire n'est pas terminée et que nous attendons toujours la nomination d'un ou d'une juge d'instruction". La décision de redémarrer l'usine a aussi "offusqué" l'association des familles de victimes.
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