Dès l'entrée de ces bâtiments mêlant brique rouge et béton, des banderoles accrochées sur les grilles dénoncent: "Suroccupation, ça suffit". "Qui sème la misère récolte la colère". Sur le parvis de l'immeuble de la direction, d'autres aux côtés de drapeaux syndicaux fustigent "Buzyn et les sept nains", "Ministère, ARS, face à l'indifférence, ici on crève".
L'intersyndicale réclame la création de 52 postes dans cet hôpital de la banlieue rouennaise, dont quatre agents sont en grève de la faim. Une délégation a ouvert des négociations avec l'Agence régionale de santé (ARS), et doit rencontrer jeudi trois émissaires dépêchés par la ministre de la santé Agnès Buzyn.
"Je reste extrêmement méfiante. Je suis en colère face au mépris que les tutelles nous ont renvoyé jusque-là, en laissant nos collègues mettre leur santé en danger. Est-ce qu'ils attendent un drame?", s'insurge Barbara Gresil, infirmière depuis 27 ans au Rouvray, qui se rend à une assemblée générale du personnel.
"Nous sommes surchargés de tâches administratives et les effectifs diminuent", dénonce-t-elle. "Conséquence, nous sommes de moins en moins disponibles pour nos patients. On devient maltraitants avec eux. On en arrive par être obsédés par des considérations hôtelières: faire de la place en programmant des sorties alors même que les patients auraient encore besoin d'être accueillis".
Pleurs dans l'ambulance
Queue de cheval, sweat à capuche noire, Bruno, ambulancier de 50 ans, délégué CGT en grève de la faim depuis le 24 mai, est assis dehors, un chat roux sur ses genoux : "je me suis mis en grève de la faim pour soutenir mes collègues soignants. J'en ai marre de les voir pleurer dans mon ambulance".
Bruno dit voir perdu 14 kilos. Il dort avec d'autres grévistes dans des tentes à l'intérieur de l'hôpital. "Nous sommes suivis médicalement via des prises de sang et électrocardiogramme. En l'état actuel, je ne suis pas près d'arrêter le mouvement. Malgré la reprise des négociations, il n'y a pas d'avancées significatives."
La conversation est interrompue par le retour de l'un des grévistes de la faim hospitalisé: "Il nous a fait peur", avoue Bruno, avant de lui donner l'accolade. Jean-Yves Herment, secrétaire CFDT du CHSCT de l'établissement, a été le premier hospitalisé. "J'ai anticipé ma sortie pour pouvoir participer aux négociations avec l'ARS et les envoyés du ministère", explique-t-il.
"Il est impensable, martèle Jean-Yves, que nos collègues grévistes de la faim passent le week-end sans s'alimenter. Cela étant, il n'est pas question de participer à des négociations au rabais. On nous parle d'une vingtaine de postes, même pas la moitié de ce que l'on demande. (...) Il s'agirait de redéploiement, c'est-à-dire de prendre des moyens ailleurs en particulier à l'hôpital psy du Havre. Ce n'est pas acceptable".
Nicolas Fourneyron, infirmier de 34 ans, employé au Rouvray depuis 8 ans, dénonce: "On installe des patients dans des bureaux médicaux ou encore à quatre dans des chambres de trois. On a de moins en moins de temps à consacrer aux patients alors que ces derniers ont vraiment besoin d'écoute".
Selon lui, les autorités "ne veulent rien nous donner", car "ils n'ont pas envie que notre mouvement fasse tâche d'huile ailleurs en France".
Marie, infirmière, au Rouvray depuis 18 ans, constate que "les arrêts maladie au sein du personnel se multiplient, dégradant encore plus les conditions de travail. C'est le serpent qui se mord la queue. On est obligé de mettre des patients déprimés dans des chambres d'isolement alors que ce n'est pas du tout adapté à leur pathologie. On a plus le temps d'organiser des sorties thérapeutiques, au restaurant ou au zoo, comme on pouvait le faire avant..."
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