Lionel Messi ne viendra pas disputer samedi à Jérusalem son dernier match avec la sélection avant la Coupe du monde, et la vigueur des réactions donne la mesure de la déception dans un pays qui, sans être une puissance footballistique, est passionné de ballon rond.
La tonalité politique de ces réactions, du président aux chefs de file de l'opposition, met en lumière que l'enjeu de la rencontre et de son annulation dépasse le cadre sportif.
Pour Israël, la venue de la sélection argentine et de ses stars devait être un motif de réjouissance supplémentaire en 2018, faute d'aller à la Coupe du monde dont il a été éliminé sans gloire.
Israël a célébré en grande pompe l'anniversaire de sa proclamation d'indépendance en 1948. Il s'est assuré une formidable exposition en devenant en mai le premier pays hors d'Europe à accueillir le départ de l'une des trois plus grandes courses cyclistes au monde, le Tour d'Italie (Giro).
En mai encore, il a célébré comme un moment "historique" l'ouverture de l'ambassade américaine à Jérusalem, concrétisant la reconnaissance extrêmement controversée par les Etats-Unis de Jérusalem comme la capitale d'Israël, alors que les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.
"Jérusalem vaut chaque shekel"
Israël mène un vigoureux combat pour promouvoir son image et défendre sa légitimité contre les supporteurs de la cause palestinienne et une campagne globale de boycott, économique, culturel ou scientifique.
Pour faire venir l'équipe argentine, l' organisateur du match côté israélien, la société privée Comtec, déjà impliquée dans l'opération Giro, devait verser à la fédération argentine un cachet de 2 à 3 millions de dollars, selon que Messi jouerait ou non, ont rapporté les médias argentins et israéliens.
D'emblée, les questions ont accompagné le match, quant à sa pertinence sportive côté argentin, quant à son organisation côté israélien.
La préparation des vedettes argentines avait-elle intérêt à cette étape sur le chemin de la Russie ? Les Palestiniens ont vite donné une tournure extrasportive au débat en dénonçant la rencontre comme un "instrument" de la politique israélienne.
La querelle s'est encore envenimée quand la ministre israélienne des Sports Miri Regev, à la tête d'une opération échappant apparemment à la fédération nationale, a fait déplacer le match de Haïfa à Jérusalem, 150 km au sud et au coeur du conflit israélo-palestinien.
Mme Regev, l'une des personnalités les plus tonitruantes du gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël, se pose en défenseure ardente d'Israël et de Jérusalem contre les atteintes extérieures à la souveraineté nationale.
Elle a elle-même admis que son ministère avait payé 2,5 millions de shekels (598.000 euros) pour que le match ait finalement lieu à Jérusalem.
"Jérusalem vaut chaque shekel" qu'on dépense pour lui, a dit lundi à la radio militaire cette ancienne porte-parole de l'armée, alors que le statut diplomatique de Jérusalem continue à diviser. Le 14 mai, jour d'ouverture de l'ambassade américaine, au moins 61 Palestiniens ont été tués par l'armée israélienne lors de heurts dans la bande de Gaza sous blocus.
Poignée de mains avortée
Le contraste entre ce bain de sang et la cérémonie d'ouverture de l'ambassade américaine s'était affiché sur les écrans du monde entier. Le match de samedi était programmé au lendemain d'un nouveau mouvement de mobilisation attendu à Gaza.
La vente des places pour la rencontre a également fait polémique.
Seules 20.000 places ont été ouvertes à la vente au grand public sur les 31.733 sièges du stade Teddy de Jérusalem. Les 10.000 autres billets sont allés à des employés de ministère ou à des heureux ayant les bonnes connections, alors que 80.000 personnes cherchaient à acquérir des places.
Une députée de l'opposition travailliste, Shelly Yachimovich, a demandé au Parlement si Mme Reguev avait conditionné le soutien financier de son ministère à une poignée de mains entre elle et Lionel Messi devant les caméras.
Le ministère a démenti. "Attendons que Messi arrive, et on verra bien à qui il serrera la main", avait alors répondu Mme Regev, aujourd'hui vivement attaquée par l'opposition.
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