M. Chan, né à Hong Kong voici 53 ans, a fait son apprentissage dans les cuisines de l'ancienne colonie britannique avant de gravir ces 30 dernières années les marches de la scène gastronomique taïwanaise.
Aujourd'hui, il est chef exécutif du Palais, restaurant du luxueux hôtel cinq étoiles Le Palais de Chine à Taipei.
Le Palais sert principalement des plats cantonais mais le chef exécute aussi des mets du Sichuan et de Fuzhou, régions de Chine continentale, ainsi que de Taïwan. Le restaurant est devenu récemment le premier et unique établissement de l'île à recevoir les prestigieuses trois étoiles quand Michelin y a lancé son guide dédié, évoquant une cuisine "véritablement remarquable".
Manger chez M. Chan est relativement abordable si on compare sa table à d'autres trois étoiles dans le monde. Pour 250 dollars taïwanais (7 euros), il propose ainsi des dim sum aux crevettes ou des buns fourrés au porc cuit au barbecue. Mais il y a aussi à sa carte un menu fixe composé de huit plats, pour 6.980 dollars taïwanais (200 euros): salade de homard, soupe aux nids d'hirondelles ou encore abalone braisée à la patte d'oie.
M. Chan pense que ses étoiles vont renforcer la réputation culinaire naissante de Taïwan, l'île qui vit une existence séparée de la Chine depuis la guerre civile de 1949.
Le cuisinier taïwanais jusque-là le plus capé, Andre Chiang, a renoncé aux deux étoiles de l'éponyme Restaurant Andre à Singapour puis a fermé cet établissement en février pour se consacrer à ses autres projets, en particulier son restaurant RAW à Taipei.
"Viser haut"
"Cela inspire tout le monde à viser de plus en plus haut", dit Ken Chan à l'AFP.
Il estime devoir sa distinction à la "chance" et à 40 années de dur labeur.
M. Chan avait claqué la porte de son école hongkongaise à l'âge de 12 ans et avait alors été employé dans un restaurant à pousser les chariots sur lesquels les clients peuvent choisir des dim sum.
Son amour de la cuisine, il le doit à sa mère qui lui donnait deux dollars de Hong Kong (22 centimes d'euro) pour aller au marché acheter de quoi concocter un repas pour toute la famille car elle travaillait à plein temps.
Il devait se creuser la tête pour dépenser judicieusement cet argent et imaginer le meilleur repas possible, ce qui influence encore aujourd'hui son approche culinaire, explique le chef.
"Je dis à mes équipes: +Ca ne suffit pas de finir le boulot, il faut le faire bien, comme si vous cuisiniez pour vos parents+".
Sa vie dans les cuisines hongkongaises n'a pas été glamour. Il se souvient d'avoir été forcé de laver les sous-vêtements du chef pour lequel il travaillait, d'avoir été frappé à la tête avec une spatule quand le "maître" était de mauvaise humeur et même jeté dans une rivière pour prix de ses erreurs.
"Quand on voulait apprendre quelque chose, il fallait supplier le maître", raconte-t-il. "Il fallait que je leur paye des verres ou des fruits pour qu'ils consentent à me montrer une ou deux étapes."
A ses yeux, les jeunes d'aujourd'hui sont trop protégés et incapables de supporter le stress.
Un art en perdition ?
C'est à l'âge de 23 ans qu'il est parti pour Taïwan, parce que sa mère était morte et que sa petite amie l'avait quitté. Il n'avait que 270 dollars de Hong Kong en poche (30 euros). Son premier employeur a été un restaurant végétarien et il se souvient de s'y être senti seul car il ne parlait que le cantonais, la langue dominante à Hong Kong -- Taïwan parle le mandarin.
Mais il s'est accroché pour faire reconnaître la cuisine cantonaise et a gravi les échelons, pour travailler finalement dans un autre établissement cinq étoiles, avant d'être engagé au Palais en 2010.
A l'époque, ce restaurant venait tout juste d'ouvrir. Le premier jour, les clients étaient rares.
"Je ne suis pas rentré ce soir-là. Je me suis enfermé dans mon bureau pour réfléchir à comment gérer un restaurant."
Il a créé une carte de 27 plats et remplacé un tiers des équipes.
Aujourd'hui, Ken Chan s'inquiète de la disparition des techniques cantonaises et taïwanaises traditionnelles à mesure du vieillissement des anciens. Mais pour l'heure, son but est de continuer à se réinventer.
"Je ne me vois pas comme un vétéran. Ma mentalité, c'est d'être un enfant qui sait à peine marcher et doit constamment apprendre de nouvelles choses."
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