Depuis des mois, la chancelière allemande était mise en cause pour son silence face aux propositions formulées depuis septembre 2017 par le président français visant à relancer l'Europe post-Brexit en crise. Et principalement pour celles concernant la réforme de l'Union monétaire.
Angela Merkel a profité d'une interview à l'édition dominicale du quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung pour lever une grande partie du voile, à moins d'un mois d'un sommet européen censé approuver une grande réforme de l'Europe.
Alors qu'un gouvernement populiste et eurosceptique vient d'entrer en fonction en Italie, elle accepte le principe de deux mécanismes limités d'entraide entre pays de la zone euro: un budget d'investissement et un système nouveau de prêts pour les Etats confrontés à des difficultés importantes.
"Plus grande convergence"
"Nous avons besoin d'une plus grande convergence économique entre Etats membres au sein de la zone euro", a-t-elle estimé, se disant "favorable" à "un budget d'investissement" pour la zone euro, soit spécifique, soit inclus dans le budget plus large de l'Union européenne.
La chancelière s'est dit dans ce contexte "tout à fait disposée à parler avec le nouveau gouvernement italien des moyens d'aider davantage de jeunes à trouver un travail", alors que leur taux de chômage est très élevé en Italie.
Elle fixe toutefois un cadre strict à ce budget. La chancelière a mentionné pour son montant un chiffre "limité à deux chiffres en milliards d'euros", soit quelques dizaines de milliards d'euros. Très loin des souhaits de départ du président français, à l'origine de la proposition d'un tel budget.
Emmanuel Macron avait l'an dernier appelé de ses voeux un budget équivalant à "plusieurs points du PIB de la zone euro", soit plusieurs centaines de milliards d'euros.
Mais il a dû affronter ces derniers mois de forts vents contraires sur ses propositions en Allemagne, où l'opinion redoute toujours de devoir payer au final pour les pays trop dispendieux.
L'arrivée au pouvoir en Italie d'un gouvernement formé d'un parti d'extrême droite (la Ligue) et d'un mouvement antisystème (M5S), chargé d'appliquer un programme anti-austérité, n'a pas arrangé les affaires du chef de l'Etat français car elle renforce l'appréhension de l'Allemagne.
Sous pression de son opinion, et elle-même fragilisée politiquement pour son quatrième mandat, Angela Merkel a ainsi fixé sa ligne rouge pour réformer la zone euro.
"La solidarité entre partenaires de la zone euro ne doit jamais conduire à une union de l'endettement", où la dette serait mutualisée, a-t-elle prévenu.
FME
Elle a détaillé dans ce cadre la proposition allemande d'un Fonds monétaire européen (FME), qui viendrait en aide aux pays aux difficultés, en échange toutefois d'une surveillance étroite.
"Nous voulons nous rendre un peu indépendants du Fonds monétaire international", a-t-elle expliqué.
Ce FME inter-gouvernemental reprendrait d'une part les prérogatives du Mécanisme européen de stabilité (MES), chargé aujourd'hui d'aider à financer la dette de pays en crise comme la Grèce, en leur accordant des prêts de très long terme.
Mais il irait plus loin. "A côté de cela, je peux m'imaginer la possibilité d'une ligne de crédit à plus court terme, cinq ans par exemple", a souligné la chancelière.
Ces prêts seraient destinés "à soutenir des pays confrontés à des difficultés d'origine extérieure", a-t-elle ajouté.
En contrepartie, les pays concernés devraient accepter - comme pour le FMI aujourd'hui - que ce FME ait un droit de regard et d'intervention dans leurs politiques nationales.
Ce FME serait chargé d'"évaluer la solvabilité des Etats membres" et à l'aide "d'instruments adaptés" pourrait "rétablir" cette solvabilité si elle n'est plus assurée, a-t-elle dit. Des prérogatives qui risquent de ne pas être du goût de tous les pays de la zone euro.
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