Après près de trente ans sur la chaîne cryptée, leur fin a été scellée vendredi lors d'un comité d'entreprise, a indiqué la chaîne vendredi à l'AFP, confirmant une information du site Les Jours.
Cette parodie grinçante de journal télévisé créée en août 1988, qui attirait dans ses grandes années jusqu'à trois millions de téléspectateurs, était en sursis depuis l'arrivée de Vincent Bolloré à la tête de Canal+ en 2015. Ce dernier avait reproché à la chaîne un abus "de dérision" et une tendance à se "moquer des autres".
Un arrêt "inéluctable"
"On s'en doutait, il y avait des bruits, des démissions" a indiqué vendredi à l'AFP Yves Lecoq, l'un des imitateurs historiques de l'émission (avec les voix du présentateur Patrick Poivre d'Arvor, dit PPD ou Jacques Chirac). "J'ai des rendez-vous la semaine prochaine pour des enregistrements des Guignols. J'attends que l'on me dise ce qui va se passer", a-t-il ajouté, précisant qu'il n'avait pas été informé par la chaîne.
"Ca me rend triste. On connaissait l'issue, inéluctable", a déclaré à l'AFP Yves le Rolland, le "chef d'orchestre" des Guignols pendant 21 ans. "Mais c'est comme lorsque vous êtes au chevet de quelqu'un de très malade: c'est horrible, vous ne savez pas si c'est un soulagement, une délivrance".
De nombreux fans partageaient vendredi leur déception sur les réseaux sociaux, les Guignols devenant le sujet le plus commenté sur Twitter en début d'après-midi.
Souvent tournée en ridicule dans l'émission, l'eurodéputée LR Nadine Morano s'est au contraire réjouie de son arrêt définitif: "Bien fait! Pas d'enterrement, crémation directe. Ni couronne ni fleur mais une plaque +bêtes et méchants+".
En 2015, Les Guignols n'avaient dû leur survie qu'à une forte mobilisation du public. Le président François Hollande lui-même avait pris position en estimant que "la caricature fait partie du patrimoine" français, rejoint par Manuel Valls ou encore Alain Juppé.
L'émission était revenue fin 2015 dans une nouvelle version diffusée en crypté, plus lisse, avec de nouveaux auteurs et sans PPD à la présentation. Les audiences en chute libre n'avaient pas été sauvées par une nouvelle diffusion en clair à partir de 2016.
Voilà, sans transition
Longtemps présentée en direct juste avant le JT de 20H des autres chaînes, copiée dans le monde entier, l'émission a marqué le langage courant avec de nombreuses répliques: l'"A tchao bonsoir" et le "Voilà, sans transition" de PPD, le "Mais euuuuh" de François Bayrou ou le "Je peux dire une connerie?" du gardien de but Fabien Barthez.
En 1988, Alain de Greef, directeur des programmes de Canal+, cherchait à remplacer le JT des "Nuls" avec une contre-programmation du JT, d'abord baptisée "Les arènes de l'info".
En 1990, l'émission est rebaptisée "Les Guignols de l'info" et s'impose à l'occasion de la guerre du Golfe. "Il n'y avait plus qu'une émission avec un discours décalé sur la guerre: les Guignols", selon Yves le Rolland.
L'humour sans tabou de l'émission a souvent causé des scandales et des poursuites: la romancière Françoise Sagan avait notamment été la première à obtenir en justice l'arrêt d'une séquence.
Rançon du succès, l'équipe de Canal+ avait aussi été critiquée pour son influence politique. On lui avait notamment reproché d'avoir favorisé l'élection de Jacques Chirac en 1995 en présentant sa marionnette d'une façon trop sympathique.
Les Guignols étaient une des dernières émissions du Canal+ historique. "Le Grand Journal" a disparu après plusieurs remaniements, le "Zapping" a migré sur France Télévisions, et "Le Petit journal" a perdu son présentateur Yann Barthès, parti pour le groupe TF1. Enfin, mardi, Canal+ a perdu les droits de la Ligue 1 de football qu'il détenait depuis 26 ans. Seuls "Groland" et le "Journal du hard" résistent.
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