"L'Union européenne n'est en guerre avec personne", a affirmé la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini vendredi. Tout en ajoutant que l'UE a "clairement à défendre ses intérêts".
Se défendre sans déclencher une escalade potentiellement désastreuse pour l'économie mondiale, l'exercice s'annonce difficile face aux Etats-Unis, qui imposent depuis vendredi des taxes de 25% sur leurs importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium en provenance de l'Union européenne ainsi que du Canada et du Mexique.
Face à cette décision redoutée depuis deux mois, inédite dans l'histoire récente des relations entre les Etats-Unis et leurs proches alliés, les réactions du Canada et du Mexique on été frontales.
Ottawa a déjà annoncé des taxes sur 16,6 milliards de dollars canadiens (12,8 milliards de dollars américains) de produits américains. Et le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'est emporté contre "un affront au partenariat de sécurité existant de longue date entre le Canada et les Etats-Unis".
Le Mexique a pour sa part promis des mesures équivalentes sur divers produits" dont certains aciers, des fruits et des fromages, qui "seront en vigueur tant que le gouvernement américain n'éliminera pas les taxes imposées".
Côté européen, la riposte a été d'abord verbale.
Une décision "illégale"
Cette décision américaine est "une erreur" et elle est "illégale", a signifié le président français Emmanuel Macron à son homologue américain au cours d'un entretien téléphonique.
La chancelière allemande Angela Merkel s'est pour sa part alarmée d'"une escalade qui nuira à tout le monde".
L'offensive américaine constitue un test pour le tandem franco-allemand. La France, au piètre bilan commercial international, a depuis le début adopté un ton plus dur que celui de Berlin, toujours attentif aux intérêts des nombreux champions exportateurs que compte l'Allemagne.
Plus largement, c'est la capacité de l'Union européenne à parler d'une seule voix qui sera testée, au moment même où un gouvernement issu d'une alliance entre un jeune mouvement antisystème et un parti d'extrême droite s'installe en Italie et où l'Espagne change également de gouvernement, son chef, le conservateur Mariano Rajoy, ayant été remplacé vendredi par le socialiste Pedro Sanchez.
"Les Etats-Unis ne nous laissent pas d'autre choix que de porter ce conflit devant l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et d'imposer des droits de douane supplémentaires à des produits en provenance des USA", avait dit jeudi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
La Commission a déjà préparé, fin avril, une liste de produits emblématiques, dont le tabac, le bourbon, les jeans ou les motos, qu'elle pourrait lourdement taxer dès le 20 juin. Après toutefois un débat entre Etats membres, pour une dernière validation.
Craintes pour les voitures
Si l'impact économique des taxes américaine sur l'acier et l'aluminium devrait rester limité, le risque majeur est celui d'une escalade, avec ripostes et contre-ripostes, mettant à bas l'ordre commercial mondial.
"Il est prématuré et exagéré de parler de guerre commerciale", déclare à l'AFP Sébastien Jean, le directeur du CEPII, un centre d'expertise sur l'économie mondiale.
"Gardons les proportions", vu le faible poids de ces deux métaux dans le commerce américano-européen, a estimé Pascal Lamy, ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), vendredi sur la radio Franceinfo.
Mais il n'en a pas moins qualifié de "développement très inquiétant" la décision américaine, prise au nom de la "sécurité nationale", une justification selon lui "complètement grotesque".
L'institut de recherches Oxford Economics, rappelant que l'acier et l'aluminium ne représentent que 0,1% des exportations européennes vers les Etats-Unis, estime que "le réel danger pour l'UE vient de l'absence d'une réponse stratégique au programme +L'Amérique d'abord+" de Donald Trump.
De l'avis de tous les experts, la guerre commerciale serait vraiment déclarée si les Etats-Unis mettaient à exécution leur menace de taxer les importations de voitures, touchant au "coeur du réacteur des échanges internationaux", selon M. Jean.
"Il faut craindre que ceci soit le début d'une évolution négative de mesures et contre-mesures, à la fin de laquelle il n'y a pas de gagnant", s'est inquiété le géant allemand Volkswagen dès vendredi.
Reste à savoir également comment évolue l'autre grand front commercial ouvert par Donald Trump, avec la Chine. Le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, est attendu à Pékin samedi pour trois jours de discussions.
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