De sa maison, une modeste habitation située à quelques mètres de l'avenue menant à l'université de la capitale, Julieth, 22 ans, a entendu avec sa famille les manifestants s'affronter à la police et aux troupes de choc gouvernementales.
Le combat était inégal.
Selon les témoignages recueillis, les dizaines de milliers de Nicaraguayens qui participaient mercredi à la marche de soutien aux mères dont les enfants avaient été tués dans les manifestations précédentes ont été pris sous les tirs soudains de snipers, tandis que d'autres tentaient de les disperser en tirant au sol.
Le Centre des droits de l'homme du Nicaragua (Cenidh) a dénombré 11 morts, la police 15. Un bilan qui porte à une centaine le nombre de tués depuis avril.
"On arrivait en marchant avec la manifestation quand ils ont commencé à tirer depuis les hauteurs. Les gens se sont mis à courir, à chercher à se mettre à l'abri. J'ai cru qu'on allait tous mourir", a raconté à l'AFP Andrés Donato, un agriculteur qui a couru jusqu'à la cathédrale où il s'est réfugié toute la nuit, comme un millier d'autres cultivateurs venus prêter main forte aux manifestants.
Nombre d'entre eux se sont ensuite armés de courage et sont revenus avec des bâtons, des machettes et des mortiers pour aller défendre les manifestants pris dans la fusillade.
L'un d'eux est mort, tué d'une balle dans la tête, a raconté l'agriculteur Yerlin Marin.
"Ca va finir par une guerre"
"Les gens du gouvernement ont commencé à tirer, alors nous, on a commencé à leur tirer dessus avec des mortiers" artisanaux, a raconté à l'AFP Wilfredo Zamora.
Les morts ont répandu colère, douleur, larmes, et la peur dans la population, qui s'enferme tôt chez elle de peur d'être agressée par les hommes de main du pouvoir sandiniste.
"On croyait que Daniel (Ortega) était un bon président, mais il est pareil que l'ancien dictateur (Anastasio) Somoza", lache Julieth, évoquant la dictature renversée par la révolution sandiniste de 1979, sous la direction de l'actuel président.
Ce dernier a dénoncé jeudi une "conspiration" de l'opposition qui chercherait à "terroriser" la population, excluant tout retrait du pouvoir.
"Cela va finir par une guerre, parce qu'il (Ortega) ne ne veut pas céder", dit sa cousine Jenny, qui pense que le patronat devrait déclarer une grève générale pour pousser vers la sortie l'ancien guérillero, aujourd'hui âgé de 72 ans.
"On peut survivre à une grève, parce qu'entre voisins, on s'aide, mais pas à une guerre, parce qu'on a pas d'armes", dit-elle.
D'autres villes du pays ont vécu des violences similaires, comme Masaya, Leon, Matagalpa et Chinandega, toutes d'anciens bastions sandinistes qui demandent maintenant un changement démocratique.
Mais "il n'y a pas de révolution sans morts", admet avec fatalisme un manifestant derrière une des barricades élevées dans le centre de la capitale, le visage caché derrière un foulard.
"J'ai vu plusieurs jeunes tomber, touchés aux pieds, aux mains, à l'estomac et à la tête. A la façon dont ils étaient touchés, on voyait que c'était (les tireurs) des gens entraînés, des francs-tireurs", dit-il avec colère.
Tout près de sa position se trouve le siège de la Police nationale, devant laquelle des ouvriers sont en train de monter de hauts murs.
"Bandes sandinistes"
"On vit dans l'angoisse en voyant passant les patrouilles (de police) aller au désastre, on entendait les tirs, les cris des gens", raconte nerveusement Soledad Martínez, 63 ans, avant de fondre en larmes à l'idée que sa famille puisse être attaquée comme durant la dictature de Somoza.
"Dieu seul sait ce qui va arriver, des fois, on a même peur de parler parce qu'ils peuvent donner l'ordre à quelqu'un de tuer", dit-elle.
Des organisations de défense des droits de l'homme ont accusé des groupes armés de répandre la terreur ces derniers jours à Managua et dans le reste du pays, ouvrant le feu contre la population des quartiers, agressant, kidnappant et torturant des jeunes gens.
Amnesty International a dénoncé cette semaine l'usage par le pouvoir de groupes paramilitaires, les "bandes sandinistes", pour réprimer les manifestants.
Les évêques du pays ont mis en cause jeudi "des groupes proches du pouvoir" utilisés dans la répression et suspendu leur médiation entre le président et l'opposition.
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