"C'est la honte de voir un dossier comme celui-là en comparution immédiate. C'est la honte de faire 48H de garde à vue pour ça, de devoir plaider qu'une clé Allen, l'équivalent d'une petite clé Ikea, n'est pas une arme". L'avocat Martin Mechin ne décolérait pas mercredi au tribunal de Paris où étaient jugées douze personnes interpellées le 1er mai.
Le dossier de sa cliente, Clara B., 24 ans, est "parfaitement vide" pour l'avocat. "Je suis vitrailliste. Ces clés sont des outils que j'utilise quotidiennement", a-t-elle expliqué. Le tribunal rendra son jugement le 9 juillet.
Sur les 283 personnes interpellées le 1er mai après les violences qui ont fait dérailler le défilé parisien et qui ont été attribuées par les autorités à 1.200 manifestants de l'ultra-gauche, 102 d'entre ont été placées en garde à vue. Parmi elles, une quarantaine ont été déférées, et ensuite il y a eu 7 mises en examen, 18 comparutions immédiates et au moins 13 rappels à la loi.
"Les policiers n'ont interpellé aucun casseur. Ils ont interpellé au hasard. L'objectif, c'est de dissuader les gens d'aller manifester", dénonce Me Mechin.
Le tribunal a néanmoins condamné mercredi à un mois de prison ferme une femme, qui était en possession d'un marteau le 1er mai. Il en a relaxé une autre, "au bénéfice du doute compte-tenu du peu d'éléments" dans le dossier.
Déjà lors des audiences du 3 et 4 mai, la seule peine prononcée a été une amende pour un fumigène dans la poche. Deux jeunes ont été relaxés: "Il n'y a pas grand-chose dans ce dossier", a relevé le président.
Depuis le défilé du 1er mai, Paris a été le théâtre ce mois-ci de nombreuses manifestations pour dénoncer la politique d'Emmanuel Macron un an après son élection.
"Répression disproportionnée"
Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) critique l'utilisation de "lois de la répression", des infractions pénales "nées sous l'ère sarkozyste", qui ont "servi l'action policière" le 1er mai ou le 22 mai, quand 102 personnes ont été placées en garde à vue après être entrées dans le lycée parisien Arago à l'issue d'une manifestation pour la défense de la fonction publique.
L'un des textes utilisés porte sur l'intrusion dans un établissement scolaire, l'autre sur "la participation à un attroupement en vue de la préparation de dégradations et de violences".
Ils "ne répriment pas une infraction commise, mais une intention qu'on présume", souligne Katia Dubreuil, présidente du SM. "Ces infractions permettent de faire passer à des personnes deux jours en garde à vue sans réelle justification".
Parmi les personnes arrêtées après la brève intrusion au lycée Arago se trouvait une quarantaine de mineurs: 14 ont été présentés à un juge des enfants, une vingtaine ont eu un rappel à la loi. Concernant les majeurs, il y a eu 18 comparutions immédiates et une cinquantaine de rappels à la loi.
Antoine Van Rie, avocat commis d'office d'un étudiant interpellé au lycée Arago, raconte: "Au bout de 24H, on a dit à mon client que sa garde à vue était prolongée de 24H mais qu'il n'avait pas besoin d'avocat parce qu'il n'y aurait pas de nouvelle audition: on se demande pourquoi il a été maintenu en détention".
Son client a finalement eu un simple rappel à la loi. "C'est comme si les autorités considéraient que sa vraie peine, ce sont ces trois nuits en détention. Ce n'est pas acceptable".
Un collectif de parents du lycée Arago a annoncé avoir saisi le défenseur des droits. "Les jeunes ont-ils encore le droit de manifester leur colère et de s'assembler pour discuter dans ce pays sans subir une répression disproportionnée?", interrogent-ils.
Des déclarations, samedi, du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb ont ravivé la polémique: il a estimé que les manifestants étaient par leur "passivité", "complices" des casseurs.
"Le droit de manifester est dans la Constitution. Je défends les libertés publiques", a répondu la garde des Sceaux Nicole Belloubet. "Je dis qu'on ne peut pas utiliser le mot de complicité", a-t-elle ajouté.
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