Canal+ n'a pas accepté la flambée des prix des droits TV pour la période 2020-2024, qui ont grimpé de 60% sur la période précédente pour au total dépasser le milliard d'euros.
"Je crois que c'est impossible pour un quelconque acteur de miser de telles sommes et de les rentabiliser", a estimé jeudi matin sur Europe 1 Maxime Saada, le président du directoire de Canal+.
"Il y a des moyens de se réinventer, aujourd'hui nous sommes une chaîne qui est plus compétitive qu'elle ne l'a jamais été", a-t-il affirmé.
La chaîne payante, qui doit déjà faire face à une érosion de son audience, va devoir renoncer à la diffusion de ces matches qui ont tant fait pour son succès, sauf à réussir à négocier des accords avec le grand vainqueur de l'appel d'offres, le groupe espagnol Mediapro, contrôlé par le fonds chinois Orient Hontai Capital.
Pour Olivier Bomsel, titulaire d'une chaire d'économie des médias et des marques à Paris Tech, Canal + arrive au bout du modèle très hexagonal défini à sa création en 1984.
Canal+ a été "un outil politique", qui a permis "de ranger sous les obligations de la chaine, gonflée des droits du foot, le financement" du cinéma français, a-t-il rappelé.
Parmi les ultimes soubresauts de ce vieil accord, selon Oliver Bomsel, l'intervention du président François Hollande en 2014 auprès de l'émir du Qatar, lors du précédent appel d'offres pour les matches de L1.
A l'époque, M. Hollande avait appelé l'émir du Qatar pour éviter que beIN Sports ne fasse trop monter les enchères et ne rafle les droits, une initiative qui avait provoqué la colère de la Ligue professionnelle du football (LFP) lorsqu'elle l'avait apprise.
Mais ce modèle est battu en brèche: le concept même de chaîne de télévision est remis en cause, et de riches acteurs internationaux viennent attaquer la chaîne sur ses marchés, qu'il s'agisse des Qataris derrière beIN ou de Netflix, la plateforme de vidéo à la demande.
Conséquence des incertitudes sur l'avenir de la chaîne, le titre Vivendi, maison-mère de Canal+, perdait 3,82% en milieu de journée mercredi.
Pourtant, la perte des droits de la L1 "peut être un mal pour un bien" pour Canal+, en lui donnant les moyens d'évoluer en profondeur, estime Jérôme Bodin, analyste chez Natixis.
Canal+ pourrait parvenir à générer "jusqu'à 540 millions d'euros d'économies par an" dans un scénario sans L1, a-t-il estimé.
Cela "va lui donner les moyens de transformer en profondeur son modèle, et de mieux adapter son offre à la structure du marché, avec l'importance grandissante de la fiction" et l'exigence d'une "taille mondiale", estime Jérôme Bodin.
Fuite des abonnés
Comme Olivier Bomsel, Jérôme Bodin estime que "Canal+ a tout intérêt à laisser d'autres acteurs supporter la charge financière" des droits de la L1, "quitte à ensuite trouver un accord avec eux".
"Les abonnés regardent essentiellement du cinéma, des séries", et il ne faut pas surestimer l'importance du foot, a estimé de son côté Maxime Saada.
"Il n'y a que deux millions d'abonnés (sur 4,9 millions en France, ndlr) qui regardent occasionnellement de la L1" et "cela peut être moins d'un match par mois", a-t-il ajouté.
Mais certains analystes sont plus pessimistes.
"Dans le scénario du pire, c'est 40% des abonnés qui partiraient", soit une perte de chiffre d'affaires proche du milliard d'euros, estime Bruno Hareng de Oddo Securities.
Et si Canal+ a acquis un solide savoir-faire en matière de fiction, la chaîne est confrontée à une concurrence sévère de nouveaux acteurs américains, estime-t-il.
"Est-ce que Canal peut se réinventer comme un HBO (chaine américaine de séries) à la française, j'ai envie d'y croire, car il y a quand même une expertise, des séries originales qui fonctionnent bien", estime Bruno Hareng.
"Malheureusement, tous les acteurs qui ont voulu concurrencer les mastodontes américains marchent peu", ajoute-t-il, en référence aux difficultés de Daily Motion (plateforme française de partage de vidéo) ou Viadeo (réseau social professionnel).
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