Ancien soldat russe engagé dans les guerres de Tchétchénie devenu un reporter de guerre chevronné et respecté, Arkadi Babtchenko, 41 ans, a été abattu chez lui et la police a aussitôt indiqué privilégier la piste d'un crime lié à sa profession.
"Je suis sûr que la machine totalitaire russe n'a pas pardonné son honnêteté", a lancé le Premier ministre ukrainien Volodymyr Groïsman sur sa page Facebook dans la nuit de mardi à mercredi. "Les assassins doivent être punis!"
Ces propos ont été aussitôt condamnés par le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov: "Arkadi Babtchenko a été tué, abattu dans sa cage d'escalier et déjà le Premier ministre ukrainien affirme que sont responsables les services spéciaux russes (...) C'est très triste".
Le chef de la diplomatie ukrainienne Pavlo Klimkine a estimé qu'il était "trop tôt pour tirer des conclusions" mais relevé "une similarité étonnante dans les méthodes que la Russie utilise pour provoquer une déstabilisation politique".
Arkadi Babtchenko a été tué par balle mardi soir Kiev où il s'était exilé, se disant menacé après avoir dénoncé le rôle de la Russie dans le conflit dans l'est de l'Ukraine.
Ce meurtre, qui a provoqué un choc dans la profession en Russie et en Ukraine, est le deuxième en moins de deux ans d'un journaliste russe habitant dans la capitale ukrainienne.
Le 20 juillet 2016, le Russo-Bélarusse Pavel Cheremet avait péri dans l'explosion de la bombe placée sous la voiture qu'il conduisait en plein centre de Kiev, une affaire qui n'est toujours pas élucidée.
Arkadi Babtchenko a été retrouvé chez lui dans la périphérie de Kiev, selon le porte-parole de la police nationale Iaroslav Trakalo : "Sa femme était dans la salle de bains, elle a entendu un coup sec. Quand elle est sortie, elle a vu son mari ensanglanté", qui est par la suite "mort dans l'ambulance" le transportant.
Un ami d'Ukraine
M. Babtchenko a participé en Russie aux deux guerres en Tchétchénie en tant que soldat avant de devenir un journaliste extrêmement critique vis-à-vis du Kremlin. Il avait raconté les guerres dans cette république russe du Caucase dans un livre édité en France par Gallimard sous le nom de "La couleur de la guerre".
Avant son départ de Moscou, il a notamment coopéré avec le journal Novaïa Gazeta et la radio Echo de Moscou, deux médias critiques du Kremlin.
Arkadi Babtchenko s'était rendu dans l'est de l'Ukraine, où le conflit entre armée ukrainienne et séparatistes prorusses a fait plus de 10.000 morts en quatre ans. Il avait dénoncé le rôle de la Russie, appuyant la thèse de Kiev et des Occidentaux selon laquelle elle soutient militairement les rebelles, ce que Moscou a toujours démenti.
Le Premier ministre ukrainien a salué la mémoire d'"un vrai ami de l'Ukraine qui racontait au monde la vérité sur l'agression russe".
Le journaliste avait quitté la Russie en février 2017 en dénonçant une "campagne effroyable" de "harcèlement". Il a d'abord vécu en République tchèque et en Israël, avant de s'installer à Kiev où il animait depuis un an une émission sur la chaîne de télévision privée ATR.
Il avait à plusieurs reprises dit craindre pour sa vie.
Le représentant de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias Harlem Desir qui s'est déclaré "indigné par cet acte horrible" doit arriver à Kiev mercredi soir, a indiqué à l'AFP son service de presse.
Pour sa part, Moscou a "exigé des autorités ukrainiennes d'employer tous les efforts en vue d'une enquête efficace". "Les crimes sanglants et l'impunité totale sont devenus une routine pour le régime de Kiev", a dénoncé le ministère russe des Affaires étrangères sur sa page Facebook.
Outre les journalistes, en mars 2017, un ancien député russe réfugié en Ukraine avait été tué par balle dans le centre de Kiev.
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