Après la décision de l'Union européenne en novembre de renouveler la licence de l'herbicide controversé pour cinq ans, Emmanuel Macron avait promis que la substance, principe actif du Roundup de Monsanto, serait interdite en France "dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans".
En février, cependant, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot s'était dit prêt à envisager des "exceptions" pour les agriculteurs qui ne seraient pas "prêts en trois ans" à se passer du glyphosate - une substance jugée cancérogène par l'Organisation mondiale de la santé.
Mais dans le projet de loi du ministre de l'Agriculture Stéphane Travert, qui était examiné en première lecture au Palais Bourbon pour le septième jour d'affilée, point d'article sur le glyphosate. Y figurent en revanche des mesures pour réduire les pesticides (interdiction des remises, rabais et ristournes, encadrement de la publicité...), auxquelles les députés ont donné leur feu vert.
Ils ont aussi approuvé une extension du champ de l'interdiction des néonicotinoïdes, ces insecticides "tueurs d'abeilles", aux substances chimiques dont les modes d'action sont identiques.
Sur le glyphosate, le chef de l'Etat "a fixé un objectif ambitieux et pragmatique" et "nous mettons toutes les chances de notre côté" en poursuivant notamment les recherches sur les alternatives, a assuré M. Travert dans l'hémicycle.
"A ce stade, soyons en confiance" avec les agriculteurs, a aussi plaidé le chef de file LREM Richard Ferrand, menaçant de légiférer en cas de "mauvaise volonté".
Des amendements notamment de la commission du Développement durable de l'Assemblée et de l'ex-ministre PS Delphine Batho, qui posaient un terme en 2021, ont été massivement rejetés.
Même sort pour un amendement prévoyant cette échéance mais avec des dérogations possibles jusqu'en 2023, repoussé par 63 voix contre 20. La proposition était portée par Matthieu Orphelin (LREM), proche de Nicolas Hulot, et cosignée par une cinquantaine de membres du groupe majoritaire.
"Signal attendu"
"C'est un signal attendu par beaucoup", a plaidé en vain M. Orphelin, alors que deux pétitions ont rassemblé "plus de 400.000 Français".
"La loi doit au minimum installer une base légale pour une future interdiction du glyphosate, pour crédibiliser le plan d'action de sortie", avait jugé auparavant auprès de l'AFP Pascal Canfin, directeur général du WWF.
L'ex-secrétaire d'Etat à la Biodiversité Barbara Pompili (LREM) a dit lundi soir sa "peur" de ne pas arriver à "tenir" la promesse présidentielle "dans trois ans". En soutien, l'Insoumis Loïc Prud'homme a jugé le sujet "emblématique de ce qu'est le renoncement du gouvernement sur le modèle agricole".
La droite et le centre se sont opposés à ces amendements, Christian Jacob (LR) appelant notamment à ne pas "pénaliser les agriculteurs".
Sur fond de "controverse scientifique sur sa dangerosité", le ministre a estimé nécessaire d'"approfondir les connaissances" sur le glyphosate même, en vue du prochain débat européen.
Ces propos ont fait bondir M. Prud'homme, qui a rappelé les "Monsanto papers", des documents déclassifiés par la justice américaine et montrant, selon les médias, que le groupe américain a pesé sur la rédaction d'études scientifiques.
Espérant que les députés n'alourdissent "pas trop la barque des agriculteurs", la présidente du puissant syndicat agricole FNSEA, Christiane Lambert, avait plus tôt rappelé à l'AFP que "la profession s'est engagée à réduire l'usage et l'impact des pesticides avec 40 organisations et 4 ministères, via un +contrat de solutions+".
De son côté, la Confédération paysanne avait réitéré sa demande "d'interdiction du glyphosate dans 3 ans".
En début de soirée, M. Travert avait rétropédalé sur un sujet lié: il s'agissait de permettre d'interdire ou encadrer l'utilisation des pesticides à proximité des résidences habitées, via un amendement gouvernemental de dernière minute. Le ministre l'a retiré face à une large levée de boucliers de la droite, du centre et du MoDem, qui s'inquiétaient du manque de précisions ou des conséquences pour les agriculteurs. "Travaillons, et nous y reviendrons", a cependant déclaré le ministre.
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