L'héritier de l'empire Dassault a longtemps vécu dans l'ombre imposante du pionnier de l'aéronautique Marcel Bloch-Dassault, déporté, génial ingénieur des Ouragan, Mystère IV et Mirage, patron du magazine Jours de France, député gaulliste, décédé en 1986 à l'âge de 94 ans.
Entré à l'âge de 26 ans dans l'entreprise familiale, son fils, polytechnicien, ingénieur aéronautique, né le 4 avril 1925, n'a pu longtemps faire ses preuves qu'au sein de la filiale Dassault Électronique dont il devient PDG en 1967.
"Quand je suis entré dans l'entreprise, j'ai senti que ça l'embêtait", avait-il confié à l'hebdomadaire VSD à propos de son père.
Serge "tombé dans la marmite" de l'aviation, "voulait entreprendre, il voulait des postes plus importants. Mais il n'y avait pas de place pour deux", raconte à l'AFP l'historien Claude Carlier, auteur de plusieurs livres sur Marcel et Serge Dassault.
Chez Dassault Électronique, ses capacités suscitent des jugements contradictoires. Sagace et rusé pour certains, naïf, sans diplomatie et "au style plutôt abrupt", pour d'autres.
Quand Marcel Dassault disparaît, Serge est jugé trop falot par l'État, actionnaire à 46% de Dassault Aviation et majoritaire en droits de vote. Il réussira néanmoins, après six mois de bataille, à lui succéder.
Il s'imposera ensuite en courant la planète pour vanter ses Mirage et Rafale. Cela lui vaut des déboires avec la justice belge, qui le condamne en 1998 à deux ans de prison avec sursis pour corruption active.
En 2000, il décide de céder la présidence de Dassault Aviation, mais conserve celle de la holding familiale Groupe Industriel Marcel Dassault (GIMD).
Entre temps, Serge Dassault, engagé au RPR puis à l'UMP, à la fois tenant du libéralisme et de la participation, se lance dans la vie politique.
Patron de presse sur le tard
Conseiller général de l'Essonne de 1988 à 2004 -un siège qu'il retrouve en 2015 à la suite de la démission de son bras droit Jean-Pierre Bechter-, il prend en 1995, à l'issue d'une lutte de 18 ans, la mairie de Corbeil-Essonnes au PCF, avant de devenir sénateur en 2004.
Les ennuis commencent en 2009 avec l'annulation de sa réélection un an plus tôt comme maire par le Conseil d'Etat qui le déclare inéligible pour un an en raison de "dons d'argent". Il passe alors le relais à M. Bechter.
Le milliardaire reste profondément attaché à Corbeil et en 2015, la municipalité baptise une avenue Serge Dassault, pour ses 90 bougies.
Son nom a été associé à des scandales liés à des affaires d'achat de votes, de blanchiment et de comptes dissimulés.
En février 2017, il écope d'une peine de cinq ans d'inéligibilité et 2 millions d'euros d'amende pour avoir caché au fisc pendant 15 ans des comptes à l'étranger.
Le tribunal précisera que "l'ampleur de la fraude (...) justifierait le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme" mais il l'en exonère du fait de son "grand âge".
Quelques mois plus tard, Serge Dassault, sénateur LR de l'Essonne, renonce à briguer un nouveau mandat. Il devait être jugé la semaine prochaine en appel pour cette affaire.
En 2014, il est mis en examen dans une enquête sur des soupçons d'achat de votes à Corbeil-Essonnes en faveur de Jean-Pierre Bechter en 2009 et 2010.
La semaine dernière, l'un de ses proches, Younès Bounouara, a écopé en appel de 15 ans de réclusion criminelle pour une tentative d'assassinat, liée à ces soupçons de corruption électorale.
C'est à plus de 75 ans que Serge Dassault amorce sa troisième vie, consacrée à la presse en achetant le groupe Valmonde (Valeurs actuelles) puis la Socpresse du groupe Hersant en 2004.
Il contrôle alors 70 titres (dont le Figaro et L'Express) et le club de football de Nantes. En deux ans, il en revend la plus grande partie pour ne s'intéresser qu'au Figaro, et se défait des Canaris.
Grand officier de la Légion d'honneur depuis 2004, cet amoureux de la chasse était la quatrième fortune française et la 57e mondiale, selon un classement Forbes en 2017.
Il était père de quatre enfants qui siègent au Conseil de surveillance de la holding familiale. En 2014, les modalités de sa succession avaient été publiées: son homme de confiance et directeur général de la holding familiale GIMD, Charles Edelstenne, lui succédera "automatiquement".
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