Cette initiative inédite, qui devrait mobiliser quatre heures durant quelque 175.000 employés, avait été annoncée le 17 avril par les dirigeants de Starbucks, après l'indignation suscitée par l'arrestation de deux jeunes noirs dans un de ses cafés de Philadelphie.
Une arrestation au seul motif que les deux hommes demandaient à attendre l'arrivée d'une connaissance pour consommer, capturée sur un smartphone et largement diffusée sur les réseaux sociaux. Des manifestations avaient suivi, avec la menace d'un boycott pour cette chaîne synonyme de bon café aux États-Unis.
L'incident a illustré de façon frappante les discriminations que subissent toujours les Noirs, dans un contexte de tensions raciales exacerbées depuis l'élection de Donald Trump.
"C'est partout"
"Il y a des choses comme ça tout le temps", expliquait la semaine dernière James Bell, surveillant dans un lycée de Brooklyn et client régulier d'un Starbucks du quartier. "Dans les magasins, en tant qu'homme noir, vous êtes suivis par les employés, qui ne cessent de vous demander si vous avez besoin d'aide (...) Ils voient un homme noir, et ils pensent immédiatement criminalité".
"Que le biais soit implicite ou explicite, c'est partout", ajoutait cet homme de 47 ans, rappelant d'autres exemples récents de discrimination diffusés sur les réseaux sociaux. Comme le cas début mai d'une étudiante noire de l'université de Yale, signalée à la police juste parce qu'elle s'était endormie dans la bibliothèque.
Difficile de nier ce constat, étayé par des témoins armés de smartphones, qui documentent des incidents moins spectaculaires que les cas de violences policières contre des Noirs, mais beaucoup plus fréquents.
Dans ce contexte, James Bell n'est pas convaincu que l'initiative de Starbucks change grand-chose au problème. Mais il se félicite que la chaîne "fasse au moins l'effort" d'essayer.
Comme lui, plusieurs responsables noirs ont salué l'initiative de Starbucks, même s'ils soulignent aussi que le résultat est loin d'être garanti.
Montrer l'exemple
"C'est historique, je ne connais pas d'autre société aussi omniprésente que Starbucks qui ait montré sa volonté de prendre le racisme par les cornes", a déclaré lors d'un point presse téléphonique Sherrilyn Ifill, présidente du Legal Defense and Education Fund, émanation de la puissante organisation de défense de la cause des Noirs NAACP.
"Ce faisant, ils ouvrent la voie aux entreprises qui vendent au grand public pour qu'elles s'attaquent honnêtement et franchement aux inégalités raciales", a ajouté Mme Ifill, sollicitée par la direction de Starbucks pour aider à préparer cette formation.
Une aide conditionnelle néanmoins. "Nous avons dit clairement que nous n'allions pas valider aveuglément leur programme si nous ne pensions pas qu'il puisse tenir ses promesses", a déclaré Heather McGhee, présidente de l'association Demos qui lutte contre les discriminations, également consultée par Starbucks.
"Nous ferons un rapport au début de l'été avec une liste plus complète de choses à faire pour vraiment montrer l'exemple sur cette question".
Starbucks semble avoir entendu leurs réserves.
"Le 29 mai n'est pas une solution, mais c'est un premier pas", a souligné la irection sur son site internet. "La première session se concentrera sur la compréhension de ce qu'est le biais racial et l'histoire des lieux publics aux États-Unis. Les prochaines formations porteront sur toutes les sortes de discriminations et d'expériences".
En quoi concrètement va consister la formation mardi? Starbucks a refusé que les médias assistent à l'exercice, mais a diffusé un petit film de présentation.
On y apprend que les employés devraient visionner un film original du documentariste Stanley Nelson sur l'histoire des Noirs américains, et discuteront ensuite en petits groupes de leurs expériences de discriminations raciales. Le tout encouragé par de petits discours des charismatiques dirigeants de l'entreprise née en 1971, Howard Schultz et Kevin Johnson.
Aussi incertain que soit le résultat, Sharon Rush, spécialiste des relations inter-raciales à l'Université de Floride, espère que Starbucks poussera d'autres entreprises à multiplier les formations sur les discriminations raciales, comme elles ont multiplié les formations sur le harcèlement sexuel.
"Si d'autres entreprises disent +Nous aussi, il faut qu'on fasse ça+", dit-elle, "ce sera vraiment un résultat positif".
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