La motion de censure déposée vendredi par le Parti socialiste (PSOE) de Pedro Sanchez, principale force d'opposition, est prise au sérieux à Madrid, à un an des élections régionales, municipales et européennes et deux ans des législatives.
Deux jours après la condamnation du Parti populaire pour corruption, "la direction du PP est préoccupée et n'écarte pas totalement que soient réunis les votes nécessaires pour renverser le gouvernement", soulignait samedi le quotidien La Razon, proche du parti de Rajoy.
Elections dans "quelques mois"
Le PSOE a clarifié samedi ses intentions.
Si jamais Pedro Sanchez parvient à réunir une majorité de députés pour prendre la place de Rajoy, le PSOE veut "gouverner le temps qu'il juge opportun puis convoquer des élections" au bout de "quelques mois", a expliqué samedi l'une de ses porte-parole, l'ex-ministre de la Culture Carmen Calvo.
Pour parvenir à faire voter sa motion, le PSOE a déjà l'appui de la gauche radicale de Podemos mais doit convaincre les indépendantistes catalans et les nationalistes basques ou bien les libéraux de Ciudadanos.
Ce parti, qui a le vent en poupe dans les sondages, refuse de soutenir la motion mais a indiqué samedi par la voix de son numéro deux José Manuel Villegas qu'il était prêt à parler avec le PSOE "d'une autre façon de convoquer des élections de manière immédiate".
Pour Paloma Roman, professeure à la Faculté de Sciences politiques de l'Université Complutense de Madrid, la stratégie des socialistes est "une façon de demander à Ciudadanos +es-tu vraiment pour la régénération de ce pays?' alors que la lutte contre la corruption a été son principal argument" mais qu'il soutient le gouvernement Rajoy depuis près de deux ans.
Les nationalistes basques (PNV), dont le vote a été décisif mercredi pour faire adopter le budget de l'Etat, vont eux "étudier la proposition" socialiste, a indiqué samedi leur président Andoni Ortuzar, se demandant si cette "démarche est sérieuse et viable ou si elle n'obéit qu'à des intérêts électoralistes".
'Judas de la politique espagnole'
M. Rajoy a annulé son voyage samedi à Kiev, où il devait assister à la finale de la Ligue des Champions entre le Real Madrid et Liverpool.
Et ses lieutenants ont allumé des contre-feux médiatiques.
"Pedro Sanchez passera à l'histoire comme le Judas de la politique espagnole", a lancé le coordinateur du PP, Fernando Martínez-Maillo, accusant le socialiste de vouloir arriver au pouvoir avec l'appui "des indépendantistes qui veulent détruire l'Espagne".
Cette crise politique a éclaté après l'annonce jeudi de l'épilogue judiciaire de l'affaire de corruption dite "Gürtel": 29 personnes dont une douzaine d'anciens cadres ou élus du PP ont été condamnées à un total de 351 ans de prison.
Le PP, qui devra rembourser 250.000 euros, n'est certes condamné qu'en tant que bénéficiaire ("participant à titre lucratif") de fonds obtenus illégalement par des maires.
Mais les juges ont conclu à l'existence dans le parti d'une "caisse noire" et d'"un authentique et efficace système de corruption institutionnel" entre le PP et un groupe privé, via la "manipulation de marchés publics".
Le tribunal a aussi remis "en question la crédibilité" du témoignage de M. Rajoy au procès l'an dernier, quand il avait nié l'existence de la caisse noire.
De nombreux médias rediffusaient samedi les dénégations de M. Rajoy au fil des ans, quand il se disait "convaincu que personne ne pourrait prouver" la culpabilité de son ex-trésorier, Luis Barcenas.
Or ce dernier a été condamné à 33 ans de prison et à une amende de 44 millions d'euros et risque d'être écroué dès lundi.
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