Ils étaient des "rampants", par opposition aux "volants". Magasiniers et techniciens, certains depuis plus de vingt ans, tous avaient été licenciés après le 5 octobre 2015: quatre anciens salariés âgés de 30 à 58 ans ont été condamnés à des peines de trois à quatre mois de prison avec sursis par la Cour d'appel de Paris. Parmi eux, l'un avait été relaxé en novembre 2016 à Bobigny, puis rejugé à la demande du parquet.
La Cour a également confirmé les peines d'amende de 500 euros infligées à huit autres prévenus, qui étaient poursuivis pour des dégradations commises ce jour-là.
A l'appel de l'intersyndicale, 1.500 salariés avaient défilé contre un projet de restructuration menaçant 2900 postes. La manifestation avait dégénéré quand la foule en colère avait envahi le siège d'Air France à Roissy, dont ils s'estimaient injustement maintenus à distance, aux cris de "démission, démission".
Dans la cohue qui s'en était suivie, le DRH de l'époque et le directeur long-courrier du groupe avaient alors été pris à partie, ainsi que des vigiles assurant leur protection. Les images des deux cadres prenant la fuite, chemise arrachée ou en lambeaux, avaient eu un retentissement mondial.
Par la voix d'un de ses avocats, Air France s'est félicitée mercredi à l'issue de l'audience que "tant la cour d'appel que le tribunal de Bobigny aient jugé que ce type de violences était absolument inacceptable".
Des propos qui font écho au réquisitoire de l'avocat général, qui avait requis mi-mars trois à cinq mois de prison contre les quatre prévenus: ces "violences intolérables" ont "dégradé l'image d'Air France, de ses personnels", mais aussi "les couleurs de la France que la compagnie transporte à travers le monde", avait dit le magistrat.
"Une décision politique"
Mais pour la défense, les "coupables étaient désignés par Air France" et "condamnés avant même que le procès commence". "La vérité n'a intéressé la Cour à aucun moment", a ainsi regretté Me Lilia Mhissen, se disant "écœurée" par une "décision politique".
En outre, le doublement des frais d'avocats, passés de 500 à 1.000 euros, est une "manière de sanctionner le droit de faire appel", a estimé l'avocate de la CGT.
"C'est vraiment une justice de classe" a réagi Karine Monségu, co-secrétaire générale de la CGT Air France. "C'est étouffer toute forme de contestation, de militantisme, et cela vise surtout la CGT".
Sur 18 personnes renvoyées devant la justice à l'issue de l'enquête, 17 étaient membres de la centrale de Montreuil. Et parmi les quatre prévenus, l'un était délégué syndical et avait assuré à l'audience avoir fait de son mieux, en syndicaliste "responsable", pour protéger les dirigeants de la foule en colère.
"Il faudrait que les salariés s'habituent à ne plus rien dire" et que les syndicats ne soient plus que des "partenaires sociaux", a ajouté la syndicaliste.
Parmi les soutiens des prévenus, certains ont rappelé que le Premier ministre de l'époque, Manuel Valls, avait "fait passer le message" en se rendant au siège de la compagnie au lendemain des faits pour rencontrer les deux dirigeants agressés. Fustigeant "l'œuvre de voyous", il avait réclamé des "sanctions lourdes à l'égard de ceux qui se sont livrés à de tels actes".
Cette ultime décision dans le feuilleton de la "chemise arrachée" intervient alors que la compagnie aérienne, qui avait réussi à renouer avec les bénéfices l'an passé, est empêtrée depuis février dans un conflit social marqué par 15 jours de grève cumulés et la démission début mai du PDG de la holding Jean-Marc Janaillac.
Dans ce contexte, "la société Air France souhaite ardemment tourner la page de ce triste épisode qu'a connu la compagnie", a ajouté son avocat.
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