La cour d'appel de Paris doit examiner mardi matin, en son absence, le recours que le théologien de 55 ans a formé après le rejet, le 4 mai, de sa première demande de mise en liberté.
Tariq Ramadan, atteint d'une sclérose en plaques dont le traitement a été jugé compatible avec la détention, est incarcéré depuis sa mise en examen le 2 février pour deux viols présumés, dont l'un sur une personne vulnérable, qu'il conteste vigoureusement.
Son avocat Me Emmanuel Marsigny compte demander le renvoi de l'audience, faute d'avoir obtenu la présence de son client et afin "que la cour juge par elle-même de son état de santé".
"Il est vraiment handicapé et ne peut quasiment plus marcher", a déclaré à l'AFP Me Marsigny, qui réclame une nouvelle expertise médicale. "Celle de fin mars n'est plus d'actualité et l'hôpital de la maison d'arrêt de Fresnes (où il est incarcéré) n'est pas en mesure de lui donner les soins auxquels était conditionnée sa détention provisoire", a-t-il ajouté.
Il propose de nouveau une mise en liberté sous contrôle judiciaire - avec remise de son passeport suisse et caution de 150.000 euros - ou sous bracelet électronique.
Le 4 mai, le juge des libertés et de la détention avait motivé son refus par la nécessité "d'éviter tout risque de pression sur les victimes", compte tenu des menaces qu'elles ont dénoncées, mais aussi pour prévenir le renouvellement des faits, "dont la succession interroge sur la dangerosité criminologique de l'intéressé" et afin de garantir sa présence en France.
"Il y a des contradictions et des incohérences multiples chez les plaignantes, qui ne font pas l'objet de véritables investigations. Il faut que les magistrats et les enquêteurs reviennent à la raison, c'est un dossier qui demande du sang-froid et de la rigueur", dénonce Me Marsigny.
"Cette défense façon théorie du complot n'est pas digne face à la vérité du dossier", estime pour sa part Me Eric Morain, avocat de la deuxième plaignante.
Audition le 5 juin
L'enquête contre cette rare figure médiatique de l'islam francophone avait été déclenchée en octobre par les plaintes de deux femmes, dans le sillage du scandale Weinstein aux Etats-Unis et de la campagne #MeToo et, en France, #Balancetonporc.
La première, Henda Ayari, est une ancienne salafiste qui a raconté dans un livre et à la télévision avoir été violée en 2012 à Paris. La deuxième, surnommée "Christelle" et souffrant d'un handicap, a dénoncé un rapport sexuel contraint d'une très grande violence, commis en 2009 à Lyon. Elle est la seule à ce jour à avoir été confrontée au suspect, lors de sa garde à vue en février.
Auditionnée une première fois par les juges le 15 mai, Henda Ayari doit être réentendue prochainement, selon une source proche du dossier.
En mars, une troisième femme a affirmé avoir été violée en France, à Londres et à Bruxelles à neuf reprises entre 2013 et 2014. Cette ancienne escort-girl, protagoniste au côté notamment de Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire pour proxénétisme du Carlton de Lille, doit être bientôt auditionnée à son tour par les juges français.
L'audition prévue le 5 juin de Tariq Ramadan - la première depuis sa garde à vue - pourrait conduire à une nouvelle mise en examen pour ces faits.
Une quatrième femme a également déposé plainte pour viol à Genève.
La détention de ce petits-fils du fondateur des Frères musulmans a suscite une vive émotion, en particulier dans les milieux de l'islam militant.
Mais la campagne du comité "Free Tariq Ramadan", qui dénonce les "mensonges" des plaignantes et des soupçons de "collusions", a vu ses soutiens s'effriter au fur et à mesure que l'affaire révélait les détails de la vie sexuelle du professeur, en contradiction avec les enseignements religieux qui lui ont valu sa célébrité.
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