"Ma seule option était de squatter", explique cette Brésilienne de 54 ans qui, comme des dizaines de milliers d'autres démunis, occupe en toute illégalité, avec sa fille, un immeuble désaffecté dans la ville la plus riche de la première puissance économique d'Amérique latine.
Mme Gomes de Melo gagne seulement l'équivalent d'à peine 500 euros par mois en confectionnant des bijoux qu'elle vend sur les marchés. Sa fille est étudiante.
Pas moins de 46.000 familles ont pris possession de 206 bâtiments à Sao Paulo. Des chiffres élevés qui témoignent de la crise du logement et des inégalités criantes dans la métropole de 12 millions d'habitants qui compte aussi ses milliardaires et abrite la Bourse.
Mais ces squats qui permettent de survivre à tant de familles peuvent aussi se transformer en pièges mortels.
Au début du mois, en plein coeur de Sao Paulo, une tour de 24 étages qui abritait autrefois le siège de la police s'est effondrée comme un château de cartes, après avoir pris feu, au milieu de la nuit.
Le drame a fait sept morts mais le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd, alors que plusieurs centaines de familles y logeaient.
Crise du logement
Mme Gomes de Melo et sa fille Beatriz habitent depuis près de neuf ans dans l'immeuble appelé "Maua". Elles paient seulement une cinquantaine d'euros pour l'entretien, comme toutes les 237 familles du bâtiment.
Elles partagent avec leurs voisins d'étage une petite cuisine, et elles ont un réfrigérateur, une télévision et quelques meubles.
Il n'y a pas de peinture sur les murs mais, au moins, elles ne sont pas obligées d'aller vivre dans les favelas ou faubourgs pauvres de la périphérie.
"Si je devais payer un loyer élevé, je ne pourrais pas investir dans l'éducation de ma fille", dit Mme Gomes de Melo, qui considère que squatter n'est pas illégal.
"Nous ne sommes pas différents des autres. Mais ce sont les autres qui nous regardent différemment".
Les autorités de Sao Paulo préfèrent fermer les yeux plutôt que d'expulser ces squatteurs ou trouver des solutions durables à la crise du logement.
D'après les statistiques municipales, il manque 358.000 logements à la ville et 830.000 autres sont considérés impropres à l'habitation.
Le Mouvement du logement de lutte pour la justice (MMLJ) tente de combler partiellement ce vide. Il gère des bâtiments comme le "Maua" et des squats connus de la ville comme celui du n°911 de l'avenue Prestes Maia.
Ce squat, dans d'anciennes usines textiles, qui serait le plus grand d'Amérique latine, héberge près de 500 familles et des étrangers (Nigérians, Angolais, Boliviens ou Paraguayens).
La municipalité a tenté de l'évacuer après la première occupation, en 2006, mais s'est heurtée à la résistance des occupants.
Ceux-ci ont tenté de s'organiser le mieux possible dans les deux tours de neuf et 22 étages: roulement entre les familles pour le ménage des parties communes, caméra de sécurité et même portier.
Piteux état
La discipline est stricte: pas de bruit après 22h, pas de bagarres, de violences domestiques ni de vols.
Ceux qui enfreignent le règlement sont envoyés vivre dans les étages supérieurs -- une punition sévère dans des tours sans ascenseurs.
L'immeuble est décrépit et sombre, les murs en piteux état, les fenêtres recouvertes de panneaux de bois et il y a des infiltrations d'eau. Les salles de bains sont généralement collectives.
Jeanette Andrade, responsable de ce squat, reconnaît que "la vie en commun n'est pas facile". Elle distribue des dons de vêtements et de produits alimentaires et aide les habitants pour des démarches administratives.
Elle-même est arrivée là après un divorce. Elle dit que cela l'a sauvée.
Marcia Goncalves, 59 ans, a aussi atterri là après un divorce. Sa minuscule échoppe de bonbons et de boissons lui permet tout juste de payer son loyer mensuel de 25 euros par mois.
"Je ne savais pas ce que c'était de squatter à l'époque. Mais je ne savais pas non plus où habiter", confie-t-elle.
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