Avec sa petite taille, ses yeux clairs, son visage mat et doux, Hassan n'est qu'un adolescent parmi les quelque 80 en sweat-shirt, pantalon de jogging et baskets qui hument l'air matinal sur la pelouse du centre Hori.
Agés de 12 à 17 ans, ces jihadistes présumés ont tous été arrêtés par les Kurdes, alliées des Occidentaux, au fil de la débâcle du groupe Etat islamique (EI).
Ils ont été sélectionnés pour être "redressés" dans ce centre expérimental fermé, au nom de la philosophie du Parti de l'Union démocratique kurde (PYD), qui domine cette région autonome, de donner une "deuxième chance" à tous.
Mais aussi, de l'aveu de plusieurs dirigeants, de la nécessité de vider les prisons et ménager par une certaine clémence les tribus locales autrefois séduites par l'EI.
Hassan est arrivé en début d'année dans le centre, sorte de caravansérail en brique rouge d'un étage alignant dortoirs, salles de cours et d'ateliers autour de la pelouse rectangulaire, ouvert il y a près d'un an dans la ville kurde de Tal Maarouf.
Il était le fils d'un commandant jihadiste de Raqa, ancienne capitale de facto de l'EI, qui lui faisait assister régulièrement à des décapitations.
On ne sait pas s'il a lui-même tué. Mais une photo retrouvée par les Kurdes le montre en train de tenir fièrement la tête tranchée d'un prisonnier.
Formateurs à disposition
A son arrivée, comme beaucoup de "lionceaux", "il ne nous a pas dit bonjour, pas serré la main, il ne nous regardait pas dans les yeux", raconte une des deux directrices du centre, Roken Khalil.
Un établissement géré par des femmes, où on ne parle guère de religion et où tous les pensionnaires doivent se raser, avoir les cheveux courts et s'habiller à l'occidentale: l'arrivée est un choc culturel pour ces adolescents ayant baigné dans le fondamentalisme.
Installés dans des dortoirs, ils n'ont ni accès à internet ni téléphone portable, mais "des formateurs sont à leur disposition jour et nuit", explique Abir Khaled. "On est à leur écoute, on les considère comme des humains, des victimes".
Leurs journées s'égrènent de manière stricte entre sport, volley-ball notamment, tâches diverses, cours de langue (kurde et arabe), d'histoire, de géographie et de "morale", et ateliers de formation à divers métiers, couturier et barbier notamment.
Ils ont souvent connu la pauvreté, peu d'éducation ou une situation familiale difficile. Quatre d'entre eux, envoyés par l'EI commettre des attentats suicide, "ont eu peur et se sont rendus".
"Leur idéologie n'est donc pas si profonde, et peut être facilement réparée", estime Mme Khalil.
Un tiers a déjà été condamné à des peines allant de six mois à sept ans de prison, qui seront réduites en cas de bonne conduite au centre.
Et s'il est encore trop tôt pour parler de réussite, "nous n'avons eu aucun problème et ils changent: aujourd'hui, beaucoup viennent d'eux-mêmes nous parler", se félicite la directrice.
Y compris Hassan, qui "n'insulte plus ses camarades, ne croît plus au paradis et à ses vierges (promises au kamikaze dans la rhétorique jihadiste), et écoute même de la musique".
L'ombre d'Öcalan
Mais difficile de savoir où il en est vraiment dans sa tête. Il attend son procès. Selon Mme Khalil, "il pourrait écoper de trois ans de prison, mais il est jeune, et sa peine pourra être réduite".
La philosophie volontariste, égalitariste et sociale du centre Hori, s'inspire de celle du leader nationaliste kurde Abdullah Öcalan, emprisonné en Turquie depuis 1999 et maître à penser des cadres du PYD et de leur bras armé, les soldats des YPG.
Ses portraits tapissent les villes kurdes du nord syrien, où ses partisans célèbrent un démocrate visionnaire, quand ses opposants dénoncent un marxiste rétrograde totalitaire, voire un "terroriste".
Les Kurdes, régulièrement accusés d'enrôler des adolescents de force dans les YPG, se défendent de vouloir remplacer l'idéologie des jeunes détenus jihadistes par celle d'Öcalan.
Mais à la prison Alaya de Qamishli, que l'AFP a pu visiter et d'où viennent certains pensionnaires du centre Hori, les maquettes et sculptures réalisées par les prisonniers sont souvent ornées de l'image du leader kurde.
Au centre Hori, Yilmaz, un pensionnaire turc de 16 ans, peste contre son père, qui a amené toute sa famille de Turquie en 2014 pour rejoindre l'EI. "Tout est de sa faute", martèle l'adolescent.
Les soldats des YPG, en revanche, il "les aime bien": "Ce sont comme des oncles pour moi!", dit-il en servant le thé dans le bureau des directrices, où trône un large portrait d'Öcalan.
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